Au matin du 28 juin 1914, un groupe de sept jeunes nationalistes serbes noyés dans la foule s’apprête à frapper. Leur but : assassiner l’Archiduc François-Ferdinand, héritier du trône de l'Empire austro-hongrois, alors en visite officielle à Sarajevo et dont les projets réduirait à néant leur rêve de fonder une Grande Yougoslavie.

Sans réelles préparations, après maintes pérégrinations cette bande de jeunes idéalistes dont aucun n’était formé au maniement des armes, va, par un hallucinant concours de circonstances, parvenir à ses fins, précipitant l’Europe et le monde dans la Grande Guerre, par l’implacable jeu des alliances entre les grandes puissances…

Si l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand qu’on s’accorde a considérer comme ayant été l’étincelle qui a mis le feu à la poudrière européenne est connu de tous, les coulisses de sa préparation restent inconnues du profane.

Auteur de l’excellent Vergès - une nuit avec le diable (dessiné par Guillaume Martinez), Jean-Charles Chapuzet, historien, journaliste et romancier, se propose de nous entraîner de l’autre côté du rideau et de rencontrer ces jeunes idéalistes qui ont œuvré à la mort de l’héritier du trône austro-hongrois et précipité le monde dans la guerre…

Solidement charpenté, le scénarios tisse plusieurs récits enchevêtrés qui ne vont cesser de se croiser et de se télescoper : l’histoire de ce groupuscule de nationaliste yougoslaves, leur procès, des bribes du passé de François-Ferdinand et de son épouse, leurs relations tumultueuses avec l’Empereur et leurs dernières heures… Il y a une dimension éminemment burlesque dans la préparation et la mise en œuvre de ce projet porté par une joyeuse bande de bras cassés qui projetait originellement d’assassiner un haut fonctionnaire autrichien… mais la venue à Sarajevo de l’héritier du trône, qui plus est le jour de l’anniversaire de la bataille de Kosovo Polje qui vit la Serbie défaite être rattachée au puissant empire Ottoman, allait les faire changer de cible !

Au fil du récit, le scénariste nous parle de la destinée de chacun des membres de ce groupe et l’album s’achève sur un épilogue captivant qui vient porter un regard distancié sur leur acte pour une visite guidée dans le Sarajevo de 1957, à la suite d’un étudiant, loin d’être un anonyme, désireux d’écrire un roman mêlant une historie d’amour tragique contemporaine aux évènements s’étant déroulé ce matin du 28 juin 1914 à Sarajevo…

Le dessin et les couleurs de Christophe Girard, notamment dessinateur de l’édifiante Affaire Zola, déjà scénarisé par Jean-Charles Chapuzet, évoquent, par leur aspect gravure, les illustrations des unes du Petit Journal, l’un des quatre grands quotidiens français de la Belle Epoque. Mais le dessinateur sait se faire subtilement caricatural, exagérant les expressions et les attitudes de ses personnages pour souligner l’aspect quasi surréaliste de certaines situations. Son remarquable travail permet d’ancrer le récit dans son époque et de redonner vie à ces personnages, véritables pied-nickelés par bien des aspects, qui ont fait basculer le monde dans l’horreur de la guerre…

Le matin de Sarajevo entraîne les lecteurs dans les coulisses de l’attentat qui fit basculer le monde dans la guerre.

Une bande de branquignoles nationaliste décide de profiter de la venue de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo pour l’assassiner, sans plan élaboré et sans aucune connaissance du maniement des armes. Ils auraient dû échouer et être tué ou arrêté… Mais, par un incroyable concours de circonstance, ils vont parvenir à leur but… et précipiter un monde qui n’attendait que ça dans l’horreur de la Grande Guerre…

Le scénario implacable et burlesque de Jean-Charles Chapuzet est mis en image par l’élégant dessin de Christophe Girard qui évoque les illustrations des unes du Petit Journal… Un album passionnant et fascinant qui retranscrit avec efficacité cet improbable succession d’évènements qui dans une fiction aurait été jugé trop peu crédible… Mais la réalité dépasse bien souvent la fiction…

- Les armes ?
- Tout est là, sous la table. Quand tu penses que j’ai oublié de me lever avant-hier… j’ai loupé le train. Et les armes sont restées une journée dans la gare de Tuzla !
- Quelle chance. !
[…]
– Tous des branquignoles !les conspirateurs