Paris, 1908. Un touriste peu attentif pourrait penser qu’il arpente le Paris de la Belle Epoque tel qu’on le connaît… Les hommes en redingote et gibus portent beau la moustache, les femmes sont vêtues de robes élégantes et des tacots rutilants et bruyants se faufilent entre les charrettes et les fiacres sur les bruyants pavés des avenues haussmanniennes tandis qu’un chat ailé parle philosophie avec l’un de ses congénères sous le regard amusé d’un gnome crieur de rue et d’un ogre antiquaire… oh… wait…

Un siècle s’est écoulé depuis la découverte de l’OutreMonde et des passages entre ce monde magique et celui des humains existent et cohabitent…

Nous sommes donc en 1908. Mage du Cercle Cyan, Louis Denizart Hippolyte Griffont est contacté par Monsieur Carrar, patron d’un élégant cercle de jeu de la Capitale, qui soupçonne l’un de ses clients, jusqu’alors piètre joueur, d’user de magie pour gagner… En attendant le jour où ce dernier vient écumer le cercle de jeu, le mage retrouve son amie, la Comtesse Cécile de Brescieux au premier étage de la Tour Eiffel, cadeau de la Reine d’Ambremer aux parisiens…

Il l’ignore encore, mais Louis Denizart Hippolyte Griffont et la comtesse vont se retrouver mêlés à une affaire d’état impliquant l’OutreMonde…

C’est par hasard que j’ai découvert le Paris des Merveilles lors d’un salon du livre, attiré que je fus par la couverture des romans, composées dans un élégant style art nouveau… Et j’avoue avoir été littéralement envoûté par l’univers fascinant et féérique imaginé par Pierre Pevel et qui mêle avec art Belle Epoque et peuples fées, dans un esprit évoquant l’excellent et poétique Castle Falkenstein, formidable jeu de rôle de Michael Alyn Pondsmith.

L’annonce de la sortie des Artilleuses, récit se déroulant dans le Paris des Merveilles, m’avait particulièrement enthousiasmé, d’autant que le dessinateur n’était autre qu’Etienne Willem, le virtuose dessinateur de La fille de l'Exposition Universelle, des Ailes du Singe, de l’Epée d'Ardenois ou de Vieille Bruyère et Bas de Soie… Et, une fois la jubilatoire trilogie des Artilleuses achevées, l’annonce de l’adaptation des romans en BD ne pouvait que requérir toute mon attention…

Dès la couverture, superbe, la magie opère… On reconnait la patte de la talentueuse Noémie Chevalier qui nous avait accordé un passionnant entretien où elle nous parlait de son travail de graphiste… Fourmillant de détails, les planches de l’album sont comme de coutume somptueuses, portées par un découpage particulièrement fluide et des cadrages vertigineux qui dynamise l’action de façon saisissante… Et comment ne pas être conquis par la façon dont le dessinateur mêle le Paris de la Belle Epoque et les éléments fantastiques venus de l’OutreMonde avec un désarmante facilité. Ses scènes d’actions sont virevoltantes à souhait et l’apparence dont il pare ses personnages s’avère on ne peut plus convaincante… Guidés par l’écriture très visuelle de Pierre Pevel, qui est un véritable catalyseur de nos imaginaires, chaque lecteur ou lectrice avait pourtant inévitablement créé « leur » Louis Denizart Hippolyte Griffont ou « leur » Comtesse Cécile de Brescieux… Et pourtant, le travail graphique d’Etienne Willem est tel qu’il impose sa propre vision que l’on trouve, au final, pas si éloigné de la nôtre… Assurant la continuité avec les Artilleuses, les couleurs de Tanja Wenisch collent parfaitement aux ambiances historiques et féériques de la série…

Signé par Étienne Willem, le découpage narratif de ce premier opus s’avère particulièrement efficace. S’amorçant sur un prologue savoureux et immersif, le scénario s’avère rythmé, follement dynamique et jubilatoirement entraînant… d’autant que les dialogues ont été réécrits par Pierre Pevel afin de conserver sa plume si envoûtante et son style si expressif.

Après la trilogie des Artilleuses qui prenait place dans le monde fascinant du Paris de la Belle Epoque revisité à la sauce fantastique, Pierre Pevel et Étienne Willem se proposent d’adapter la trilogie du Paris des Merveilles, à raison de deux albums par roman…

On retrouve dans ce premier opus tout ce qui fait le charme des romnas : l’écriture romanesque de Pierre Pevel, ce mélange étrange et subtil d’histoire et de féérie, cette magie fascinante, ces faërims venus de l’OutreMonde et leurs inquiétants complots qui s’ourdissent en marge de la société des hommes… Virtuose et dynamique, le dessin d’Étienne Willem parvient avec brio à retranscrire l’originalité et la folie de ce récit rythmé et entraînant dont il assure l’adaptation alors que Pierre Pevel a réécrit les dialogues pour servir au mieux le propos…

Ce premier tome des Enchantements d’Ambremer est clairement à la hauteur de nos plus folles espérances… et c’est peu dire qu’il nous tarde de lire la suite !

- Eh bien, Azincourt, que pensez-vous de tout ceci ?
- Je pense que si vous ne vous hâtez pas, vous allez rater votre rendez-vous avec la Comtesse de Brescieux.
- Comment savez-vous… ? Azincourt ! Vous vous êtes encore endormi sur mon courrier ! dialogue entre Louis Denizart Hippolyte Griffont et Azincourt