Fiche descriptive
23€
Chronique | ![]() ![]() |
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Dessinateur de presse, Ersin Karabulut nous livre un pan de son histoire et de cette enfance où il a longtemps mis en veilleuse son rêve de devenir dessinateur. A travers son enfance et son adolescence faites de rires et de drames, il nous brosse un portrait saisissant de la Turquie d’Erdogan. Révélé en France par ses Contes ordinaires d'une société résignées, l’auteur fait montre d’un humour gentiment féroce grâce auquel il pointe les dérives d’une société turque conservatrice et religieuse qui n’a de cesse que de réduire les libertés et de museler la liberté d’expression. Ce gamin s’avère d’emblée particulièrement attachant dans sa façon de vouloir faire plaisir à ses parents en entamant des études d’ingénieur tout en sentant confusément au fond de lui que son truc, c’est le dessin. Sa rencontre avec ses « maîtres » et l’émerveillement qui est sien d’entrer dans les bureaux où s’élaborent ce magazine qu’il aime tant est retranscrite avec humour et finesse, de même que sa relation avec le premier numéro qui publiera pour la première fois l’une de ses œuvres ou les retours de ses premiers fans qui le mettent sur un petit nuage… ![]() un dessin expressif au service d’un scénario lucide, drôle t édifiant Très expressif, le dessin d’Ersin Karabulut est indéniablement l’une des grandes forces de l’album. Alors que ses décors réalistes immergent avec force le lecteur dans l’Istambul de son enfance, le trait semi-réaliste, voire franchement caricatural avec lequel l’artiste dessine ses personnages lui permet d’accentuer leurs émotions et de les rendre limpides pour le lecteur. L’inquiétude du père entendant son fils lui hurler qu’il a acheté les bières demandées alors que la religion et ses interdits s’insinuent peu à peu dans le quotidien, la joie ahurie du gamin qu’il fut lorsque son premier dessin est publié, ses premiers émois amoureux, l’extrémisme qui gangrène peu à peu la société turque et qui s’immisce jusque dans la sphère privée, ses premiers émois amoureux, jusqu’à sa lâcheté, parfois… L’atmosphère de la Turquie de l’époque est ainsi formidablement bien retranscrite, avec ce glissement progressif vers une forme de dictature que l’on connaît aujourd’hui. ![]() L’auteur porte sur l’enfant et l’ado qu’il fut un regard tout à la fois lucide et amusé et son personnage, dessinateur en germe, s’avère très attachant, par sa naïveté confondante et son désir de se conformer à l’image qu’aimerait voir ses parents… Mais si cet avatar de papier de Ersin Karabulut s’avère tendrement touchant, les autres personnages de l’album s’avèrent eux aussi joliment écrits, à commencer par ce père protecteur et inquiet de la voie qu’a choisi son fils et qui tente de le raisonner pour qu’il ne s’attire pas les foudres d’un gouvernement de plus en plus autoritaire. Les extrémistes sont inquiétants à souhait et font planer une lourde menace sur le quotidien de l’auteur, changeant par petites touches des gens de plus en plus proche de lui, tels ses voisins jusqu’alors ouverts et sympathiques qui semble se refermer en appliquant à la lettre les exigences et les préceptes de la religion. Avec cette galerie de personnage foisonnante, l’auteur parvient à esquisser un tableau saisissant de la société turque vue à hauteur d’homme en devenir. ![]() ![]() A travers son histoire, c’est un pan de celle de la Turquie que nous livre Ersin Karabulut, d’abord vue à hauteur d’enfant, puis à hauteur de l’adulte qu’il devient… Cet album est ainsi un témoignage poignant d’une société qui glisse peu à peu vers l’autoritarisme théocratique… Oscillant entre réalisme et carricature, le dessin de l’auteur turc s’avère tout juste parfait pour nous donner à voir Istamboul avec des yeux d’enfant, à la fois émerveillés par tout ce qui lui arrive et inquiet de voir la ville qu’il a connu se transformer au fil des élections, alors que la religion s’immiscé peu à peu jusqu’à la sphère privée. Tout à la fois drôle et édifiant, ce premier tome s’avère captivant et montre, une fois de plus, que la bande-dessinée s’avère être un formidable média pour raconter le monde tel qu’il est… - T’as jamais eu envie d’aller en taule quelque fois ? T’imagines ? Blanchi, nourri ! Si j’étais en taule, je pourrais écrire toute la journée, créer des centaines de livres.
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