Alors que la prohibition bat son plein, deux trafiquants d’alcool noirs sont attaqués par des hommes du Ku Klux Klan, non pour s’emparer de leur précieuse cargaison, mais pour les lyncher. L’un d’eux parvient néanmoins à leur échapper et à se réfugier au sein du modeste couvent Saint-Patrick où la sœur Holly vient tout juste d’être accueillie comme novice, provoquant les jalousies de certaines de ses sœurs…

Mais lorsque la congrégation voit débarquer un mafieux désireux de remettre en service un vieil alambique datant de sa fondation pour remplacer la cargaison perdue, Sœur Holly y voit l’opportunité de sauver le couvent menacé d’expropriation par la banque. Malgré certaines réticence, cette religieuse au passé trouble parvient à convaincre la mère supérieure que quelques entorses à la loi son nécessaires pour préserver le couvent…

Commence alors une aventure particulièrement dangereuse, entre les mafieux qui ont reconnu Holly comme étant la maîtresse de leur patron, envoyé en prison à cause d’elle, et le Klan qui rôde et compte bien faire régner sa loi… Dieu reconnaîtra-t-il les siens ?

Il y a dans cet Elixir de Dieu de Gihef un petit parfum du Sister Act d’Emile Ardolino sorti sur les écran à l’aube des années 90. L’influence est par ailleurs clairement revendiquée par le scénariste des excellents Vadim (dessin de Morgann Tanco) ou de Greenwich village (dessiné par Antonio Lapone) qui a troqué ses crayons contre une plume après Haute Securité ou Enchaînés.

Gihef fait comme de coutume montre de ses talents de conteur avec un scénario parfaitement maîtrisé dont la structure impulse un rythme soutenu à l’album. Il commence par introduire le personnage central de l’histoire et les petites libertés qu’elle prend tant avec la loi des hommes qu’avec celle de Dieu, précisant les liens qu’elle a su tisser, parfois malgré elle, avec ses consœurs… … Vient ensuite les éléments perturbateurs qui vont faire basculer la vie des nones : la menace d’expropriation et l’arrivée inopinée d’un bootlegger traqué par le Klan. L’auteur donne vie à une foule de personnages qui apporte chacun leur pièce à l’édifice narratif, d’un boss de la mafia en passant par ses hommes parfois bas de plafond, sans oublier un curé pas trop catholiqueEt si Holly endosse le premier rôle de cette comédie, il en est d’autres qui s’avère au moins aussi attachantes qu’elle, parmi lesquelles Sœur Bethany qui possède, comme toutes les autres, son petit secret, mais dont la bonne humeur communicative illumine l’album… Et n’oublions pas le chat, témoin des étranges et condamnables évènements qui vont se dérouler dans le monastère, à l’abris de regard et des autorités…

Dessinatrice du Fil de l’Officier, [url][/url], de Moses Rose et du diptyque pagnolesque de L'Eau des collines, Christelle Galland signe un album particulièrement convainquant, animant l’irrésistible galerie de personnages imaginés par Gihef avec une indéniable efficacité. Leurs trognes archétypales s’avèrent expressive à souhait, rendant la lecture de l’album particulièrement agréable et renforçant la dimension cinématographique esquissée par un découpage efficace.

Gihef semble avoir pris un réel plaisir à écrire cette comédie pas très catholique se déroulant dans l’Amérique profonde durant la prohibition… et cela s’avère pour le moins communicatif !

S’inscrivant une filiation revendiquée avec le Sister Act d’Emile Ardolino, l’Elixir de Dieu nous entraîne à la fin des années 20 dans un couvent vivant sous le coup d’une menace d’expropriation et dont le seul recours semble être de distiller de l’alcool frelaté pour le compte de bootleggers vindicatifs… Mais les choses sont bien plus alambiquées qu’il n’y parait…

Les crayons de Christelle Galland donnent vie à la galerie de personnages iconoclaste et expressifs qui jouent avec les archétypes du genre pour tisser un récit d’aventure enlevé et entraînant dont un twist savoureux et une fin inattendue donnent furieusement envie de lire le second volet…

- Le dimanche après-midi est mon moment préféré de la semaine. C’est le seul jour pù la Mère Supérieure nous laisse écouter de la musique en travaillant. Vous aimez la musique, Sœur Holly ?
- Beaucoup. Mais j’avou que je préfère écouter le Benny Goodman Quartet jouer sur scène, sans souffle ni craquement.
- Han ! Vous avez vu Bennu Goodman en concert ?
- Plus d’une fois. C’était un des avantages de mon… ancienne vie.dialogue entre Sœur Bethany et Soeur Holly