2056. Après un enchaînement de catastrophes écologiques qui ont rendu l’atmosphère viciées, les humains vivent sous cloche. Moins couteux et plus efficaces que la main d’œuvre humaine, les robots les ont depuis longtemps remplacé sur le marché du travail. Chaque famille dispose ainsi d’un robot domestique qui va chaque jour gagner l’argent nécessaire à sa survie.
Comme toutes les autres, la famille Walter possède, un robot qui travaille quotidiennement à l’usine. Mais il y a entre eux et Razorball, leur dombot, une tension de plus en plus oppressante. Le père accepte la présence du robot et son attitude parfois violente car il sait qu’ils sont tous dépendant de lui. Mais son épouse vit dans l’angoisse quotidienne qu’ils s’en prenne à leur famille, alors que les enfants tentent de faire réagir leur père t de lui ouvrir les yeux… sans succès…
Mais une nouvelle génération de robots humanoïdes visant à remplacer les premiers dombots est en passe d’être lancée alors que les humains vivants dans la bulle d’Orlando ont été asphyxiés par une dose trop importante de protoxyde d’azote… Erreur ou acte de malveillance des robots ? La tension entre humains et robots est à son paroxysme alors que Razorball réfléchit à sa propre obsolescence…
A lire le quatrième de couverture de l’album, on pourrait penser que Mark Russell cherche à nous pousser à nous interroger sur la présence grandissante des I.A. dans notre quotidien, alors que Chatgpt ou Midjourney alimentent bien des débats… Confronté à de telles machines plus ou moins intelligentes, on ne peut effectivement que s’interroger sur notre avenir et notre « obsolescence programmée…
Mais le propos du scénariste américain est bien plus complexe et intéressant encore… Car c’est bien les travers de nos sociétés modernes qu’il cherche à pointer, et, plus particulièrement la masculinité toxique en plaçant tout un chacun, et les hommes notamment, dans le rôle dans lequel on a longtemps tenté de cantonner les femmes… Ce n’est plus l’homme mais le robot qui est chargé de gagner l’argent pour le foyer, prenant par la même la place du mâle jusqu’alors dominant… Parce que leur dombot travaille pour la subsistance de sa famille, monsieur Walter accepte ses violences verbales et physiques répétées comme étant presque normales… La relation entre sa famille et leur dombot sert de fil rouge alors que la tension entre les deux communautés, humaines et robotiques, va crescendo, esquissant les contours d’un conflit qui paraît comme étant de plus en plus probable… Sans compter les interrogations du dombot sur sa propre existence alors que lui et ses semblables s’apprêtent à être à leur tour remplacés par une nouvelle génération plus performante qui les rendraient alors inutiles, comme eux avaient rendus les humains inutiles et obsolète… Car, au final, plus qu’une affirmation, le titre est un questionnement auquel le scénariste répond par l’affirmative… Nous sommes tous le robot de quelqu’un et un autre nous remplacera sitôt qu’on nous jugera dépassé et inutile…
Le travail graphique de Mike Deodato Jr. s’avère particulièrement efficace. S’inspirant ouvertement du American Gothic de Grant Wood, qui, peinte pendant la Grand Dépression, affirmait l'inébranlable esprit pionnier américain, la couverture s’avère fascinante et, dans cet univers dystopique, pour le moins pertinente… Son découpage nerveux et sont rait réaliste pose avec art le décor et donnent vie à une kyrielle de personnages, humains ou robots, tous plus crédibles les uns que les autres… On ne peut qu’être impressionné par la façon dont l’artiste américain parvient à retranscrire les émotions de ces robots aux visages pourtant inexpressifs en soignant leur attitude et leurs postures pour retranscrire leurs « émotions électriques » qui rendent le récit plus intense et plus percutant encore.
Not all Robot est un récit grinçant et dystopique qui dépeint un univers les humains vivent sous cloche pour les protéger d’une atmosphère par trop viciée et où des robots domestiques auraient pris la place des humains, fragiles et moins performants, sur le marché du travail… Ce faisant, chaque foyer est dépendant financièrement de ces androïdes qui méprise ces êtres dépassés et, au final, inutiles à la société…
Dans la famille Walter, la cohabitation avec leur dombot, Razorball, est difficile et, à part le mari qui accepte ses violences verbales et parfois physique comme un mal nécessaire, tout le monde vit dans l’angoisse que le robot commette l’irréparable… Et ce d’autant que des « bugs » ont déjà été constatés alors que les habitants de la bulle d’Orlando ont été asphyxiés par le fait de robots… La tension entre humains et androïdes va bientôt atteindre son paroxysme…
On le voit, ce n’est pas tant les dangers de l’I.A. que pointe avec mordant le scénariste Mark Russell mais bel et bien la masculinité toxique, comme il s’en explique dans la postface. Son propos grinçant et intelligent est joliment mis en images par le talentueux Mike Deodato Jr. qui donne corps à son univers et parvient à retranscrire avec art les états émotionnels des robots qui s’interrogent eux aussi sur leur possible grand remplacement, alors que se profile une nouvelle génération censément plus à même de cohabiter avec les humains…
- Seigneur, merci pour notre vie paisible dans la bulle d’Atlanta. Surtout quand tant de gens meurent dans la dévastation. Merci pour ces globules de protéines. Enfin, nous remercions Razorball, notre dombot sans qui ce festin n’aurait pas été possible.
- Sérieux P’pa ?
- Attends il prie qui, déj) ?
- Ben quoi ? Il rapporte l’argent qui paie pour tout ça, non ?
- Déjà qu’il vit avec nous, on devrait aussi faire semblant d’être content ?
- Il me regarde comme si j’étais un robinet qui fuit, c’est flippant.
- Vous n’êtes que des ingrats !
- Franchement, Donny, sa façon de rentrer en trombe tous les soirs avant de disparaître dans le garage… Qu’est-ce qu’il peut bien faire là-dedans ?
- Va savoir ! Il rêve d’avoir une famille qui l’aime ?dialogue de la famille Walter
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