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Les Pizzlys
Les Pizzlys



Fiche descriptive

Roman Graphique

Jérémie Moreau

Jérémie Moreau

Jérémie Moreau

Delcourt

Mirages

05 Octobre 2022


29€95

9782413040811

Chronique

Sillonnant Paris jour et nuit au volant de sa BMW à crédit, Nathan enchaîne les courses Uber pour subvenir aux besoins de ses frères et soeurs.

Faisant littéralement corps avec son GPS, Nathan plonge dans un vide assourdissant quand son portable tombe en panne. Suite à un accident, Annie, sa dernière cliente, lui propose de partir vivre en forêt avec Zoé et Etienne au fin fond de l'Alaska.
un excellent album!


retour à l'essentiel
Les Pizzilis, planche de l'album © Delcourt / MoreauL’une des premières choses auxquelles on pense en laissant son regard glisser sur la couverture, c’est au Peter Pan de James Matthew Barrie avec ces trois silhouettes volant dans le ciel… Mais point de Londres ou de Pays Imaginaire mais une forêt qu’on imagine être dans le grand nord, avec ces grands résineux qui se détachent sur un fond aux couleurs étonnement flashy. Le dessin très épuré pourra surprendre dans un premier temps mais, entraînés par ce récit étrange et fascinant, on se laisse prendre et les pages se succèdent sous un rythme soutenu jusqu’à la toute fin de l’album.

Révélé par l’édifiant « Singe de Hartlepools » scénarisé par Wilfrid Lupano, Jérémie Moreau nous invite à une réflexion sur nos société modernes, sur le travail qui occupe une place centrale dans notre vie et le rapport à la nature qui n’a cessé de se distendre au fil des générations.

entre rêve, réalité, mythe et poésie
Les Pizzilis, planche de l'album © Delcourt / MoreauL’histoire se centre sur Nathan. Depuis la disparition de sa mère, c’est lui qui endosse le rôle de chargé de famille, travaillant sans relâche comme chauffeur Uber pour subvenir aux besoins de sa sœur et de son frère et leur payer les meilleures études possibles. Mais un jour, alors qu’il conduisait une vieille dame désirant rentrer dans son Alaska, après avoir passé ces quarante dernières années en France, pour suivre un homme qui n’en valait pas le tout. Privé de son GPS tombé en carafe, éreinté par ses courses qui s’enchaîne sur un rythme effréné, il a une absence et perd le contrôle de son véhicule et s’échoue dans un réverbère… Etant acquis que sa passagère n’aura pas son avion, il lui propose de venir dormir chez lui… Comprenant qu’il est totalement perdu, englué dans les traites de la voiture et de l’appart, elle invite Nathan et sa famille à venir vivre chez elle, en Alaska. Au bout du rouleau, il accepte et les voilà partis pour le grand nord, à des milliers de kilomètres de chez eux…

Les Pizzilis, planche de l'album © Delcourt / MoreauLe scénario de Jérémie Moreau met ses personnages et le lecteur devant un constat accablant : nos sociétés occidentales ont perdu le lien avec la nature, se débattant avec le quotidien passant à côté de l’essentiel… et de sa vie… Avec justesse et lucidité, l’auteur imagine des ados débarquant à un endroit sans réseau ou électricité et qui, habituellement vissés à leur console ou leur portable, vont se voir obliger d’adopter un nouveau mode de vie… ce qui, au début tout au moins, ne sera fera pas sans heurts… Mais ils finiront par s’adapter, par apprendre un nouveau mode de vie alors que Nathan peinera à se retrouver et ne cessera de se perdre, physiquement et psychologiquement…

Oscillant entre rêve, réalité et poésie, avec quelques incursions dans les mondes des mythes, le récit s’avère aussi troublant que captivant. L’album s’avère particulièrement entraînant et, abordant le dérèglement climatique, le message écologique qu’il véhicule au fil des pages trouvent de tragiques échos dans nos époque troublée…

Jérémie Moreau fait partie de ces auteurs qui réussit le tour de force de changer de style à chacun de ses récits. Il adopte ici un style très épuré rehaussé par des couleurs quasi psychédéliques aussi troublantes qu’envoûtantes. Ce parti pris graphique audacieux et surprenant s’avère pourtant particulièrement pertinent... L’album est ainsi graphiquement au diapason de Nathan, jeune homme de son temps qui a perdu pied avec la réalité en perdant tous les repères imposés par la société de consommation. Le dessin et les couleurs hallucinés font entrer le lecteur dans le monde des mythes, brouillant ses propres repères pour mieux le guider dans les méandres tortueux de ce conte écologique salutaire… Certaines planches, muettes, offre lecteur de purs et sublimes moments de contemplation, poussant le lecteur à ralentir le rythme effréné de sa vie pour reprendre le temps de voir la beauté du monde qui l’entoure…
Les Pizzilis, planche de l'album © Delcourt / Moreau
une écriture ciselée
A l’instar d’une pièce de théâtre, il n’y a qu’une poignée de personnage dans cette histoire fascinante mais chacun d‘eux a été écrit avec soin et contribue à apporter cette authenticité à l’histoire. Annie s’avère être un sacré personnage, revenu de ses illusions pour retrouver son Alaska natale et tout ce qu’elle a quitté il y a des années, aveuglée par l’amour. Elle est, avec Nathan, l’un des protagonistes les plus intéressant du récit, la plus drôle aussi peut-être dans sa façon de bousculer gentiment ses invités en leur redonnant le sens des réalité… Mais que ce soit Annie, qui réalise avec stupéfaction combien les terres de son enfance ont changées, Nathan en plein burn-out, Zoé, Etienne de la génération Z ou Joe, qui regrette les choix d’Annie, tous les personnages cherchent à renouer une époque révolue, à se reconnecter avec une réalité fuyante dans un monde en plein changement. Leurs quêtes trouvent nécessairement des échos dans nos propres vies et leurs interrogations sont pour beaucoup les nôtres, ce qui rend Pizzlys si captivant.

Les Pizzilis, planche de l'album © Delcourt / MoreauJérémie Moreau fait partie de ces auteurs rares à parvenir à se renouveler et à changer de style à chaque nouvel album… et il en va de même avec ces poétiques et envoutants Pizzlys.

Porté par des personnages particulièrement bien écrits, le scénario fascinant de l’auteur du Singe de Hartlepool ou de la Saga de Grimr nous entraîne à la lisière du rêve et de la réalité à la suite de Nathan et de ses frères et sœurs qui allaient changer radicalement de vie pour fuir les tracas financier et le rythme effréné de leur quotidien…

Son trait épuré et élégant et les couleurs troublantes et hallucinées de l’artiste sont au diapason de ce récit qui fait écho à nos propres vies tant leurs interrogations sont en partie les nôtres dans ce monde en pleine déliquescence…

Cet album envoûtant vous hantera longtemps après l’avoir refermé et devrait sans doute vous donner envie de vous reconnecter à l’essentiel…

Le Korrigan




Inspiration jeux de rôle

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