



Sud-Vietnam, 1965. Une escouade est en mission de reconnaissance derrière les lignes ennemies, indiquant à leur aviation les cibles à bombarder grâce à des fumées colorées… La fatigue et la culpabilité aidant, la tension devient palpable entre les différents GI, bientôt rejoint par un journaliste de l’Associated Press…
Pour échapper à leurs ennemis, ils franchissent une rivière et atteigne un territoire hostile où la lumière peine à pénétrer… Les boussoles s’affolent et la radio cesse de fonctionner… Ils atteignent bientôt une carrière où gisent les corps démembrés et éviscérés de soldats vietcong…
Il apparaît bien vite qu’ils sont devenus la proie du Latah, créature mythique qui se nourrie des souffrances de son peuple… Ce qu’il croyait être l’Enfer n’était que le Purgatoire…

Après avoir travaillé avec Benec, Agnès et Jean-Claude Bartoll, Stephen Desberg ou Vincent Brugeas, Thomas Legrain signe pour la première fois un album en solo, assurant le scénario en plus du dessin… Et son premier album, impressionnant à plus d’un titre, trouve sa place dans la prestigieuse collection
Signé, excusez du peu…
Pour son premier scénario, l’auteur nous immerge au cœur de la jungle hostile du Vietnam à la suite d’une escouade qui va se voir décimée… Au fil des pages, on devine que personne ne sortira indemne de cet enfer hanté par un démon insaisissable qui n’est pas sans évoquer le
Prédator de John McTiernan… Mais point de chasseurs ici, mais une créature incarnant la souffrance d’un peuple qui va s’en prendre à son oppresseur… Face à l’adversité et à cette menace, d’abord évanescente puis de plus en plus prégnante, chacun de ces hommes perdus dans une jungle hostile, va révéler sa véritable nature… Et si certains sont rongés par la culpabilité d’avoir participé ou assisté à des actes moralement abjects, le moins que l’on puisse dire c’est que d’autres nous donnent à voir une part peu reluisante de notre humanité…

La pagination généreuse permettant à l’auteur d’installer son récit, de prendre le temps de poser ses personnages et le contexte de la guerre avant de faire basculer son récit vers le fantastique, par petite touches… D’oppressante, l’histoire va se faire étouffante alors que l’étrange créature ressert son emprise sur les GI… Le mélange de récit de guerre et de survival s’avère parfaitement maîtrisé, le glissement de l’un à l’autre étant remarquablement bien emmené, distillant une atmosphère assez proche de celle des horrifiques nouvelles de H.P. Lovecraft…
Graphiquement, l’album est tout aussi impressionnant. La composition des planches s’avère fascinante tant l’auteur parvient à donner de l’ampleur à son découpage, conférant bien souvent l’illusion de lire un album d’un format plus grand qu’à l’ordinaire… Son approche des décors est remarquable et le soin apporté à l’évolution de la psychologie de ses personnages leur donne un relief tout particulier, rendant la chute encore plus malsaine et percutante …

Pour son premier album en solo, Thomas Legrain, dessinateur de Sisco ou de Bagdad Inc. mêle avec art deux genres très différents mais qu’il mélange avec art : le film de guerre et le survival…
Jouant avec les codes de genres très codifiés, l’auteur tisse un récit oppressant se déroulant au cœur de la jungle durant la guerre du Vietman… Le lecteur va suivre une escouade de G.I. perdus derrière les lignes ennemies après une mission particulièrement éprouvante… Ils vont sans le savoir pénétrer sur le territoire du Latha, une entité ancienne dont ils allaient devenir les proies…
Graphiquement et narrativement parfaitement maîtrisé, l’album nous montre comment des hommes confronté à l’indicible allait peu à peu révéler leur véritable et peu reluisante nature… A noter qu’il existe un tirage limité en noir & blanc de l’album qui permet de mieux apprécier le formidable travail graphique du dessinateur…
- Ma famille me racontait déjà cette légende ancestrale… Et j’étais assez fou pour ne pas y croire… Et maintenant je… je…
- Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? Ce salopard de bridé débloque complètement… Il nous cache quelque chose, c’est certain.
- Mais regardez autour de vous, bon sang !! Il faut partir d’ici !!
- Qu’est-ce qu’on fait, sergent ?
- On reprend la formation et on dégage.dialogue au cœur des ténèbres