Alors que la Terre suffoque, étouffée par la surexploitation des ressources naturelles, l’humanité s’est tournée vers un nouveau territoire à conquérir, exploiter et polluer : l’espace, au-delà des planètes et du système solaire : la Frontière…
Scientifique passionnée par l'inconnu, Ji-soo a consacrée sa vie à l’archéologie spatiale… Jusqu’à ce que sa boîte soit rachetée par une multinationale peu scrupuleuse uniquement soucieuse de ses seuls profits… Elle s’est contentée de raller et de subir le système, sans chercher à le changer… Camina est une mercenaire terriblement douée mais un jour, une blessure nécessitant la greffe d’un bras cybernétique lui fait prendre conscience que ce qu’elle faisait n’en valait tout simplement pas la peine… Alex est un « spatial » : il est né dans l’espace et y a toujours vécu et fait chaque jour ce qu’on attends de lui pour extraire du minerai…
Mais un jour, après avoir trouvé par hasard un petit singe appartenant à un laboratoire de recherche, profitant de l’absence de législation dans l’espace pour mener des expérimentations interdites sur Terre, Alex va entrer dans une colère noire, détruisant le labo et n’ayant d’autre choix que de fuir la station à bord d’une navette de secours en compagnie de Ji-soo pour ne pas être arrêté…
Guillaume Singelin est un auteur qui impressionne tant par ses talents de conteur que par son trait dynamique et follement expressif… Avec Frontier, il explore un nouveau genre : celui de la science-fiction…
Difficile de ne pas être impressionné par ce nouvel album, tant par la qualité d’édition que par sa pagination… Et, dès les premières pages, la magie opère… On se laisse entraîner avec une facilité désarmante dans cet univers où la conquête spatiale n’est plus une utopie mais s’avère déjà gangrénée par le capitalisme. Et, comme tout récit de SF, il aborde de façon détournée des sujets bien actuels : l’épuisement des ressources de la Terre, la recherche exacerbée du profit, des travailleurs qui ne sont plus que des variables d’ajustement et qui acceptent sans broncher leurs conditions de travail inhumaine parce qu’ils se sont endettés jusqu’au cou et ont trop peur de perdre leur boulot, des pauvres qui vivotent en marge de la société ou des migrants contraints de tout quitter dans l’espoir d’une vie meilleure, la marchandisation de l’espace… La société cynique, individualiste et violente qu’il dépeint ressemble par bien des aspects furieusement à la nôtre…
Mais il y a toujours ce même espoir qui sous-tend son récit à travers ces trois personnages hétéroclites qui vont avoir ce salutaire déclic qui va les pousser à tout remettre en question et à reprendre leur vie en main, pour lui donner du sens. Et nous, qu’attendons-nous pour changer cette société injuste et inégalitaire ? Le COVID a poussé beaucoup de monde à réfléchir et à s’interroger sur leur rapport au travail… Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Comme à son habitude, Guillaume Singelin parvient à créer des personnages tout à la fois singuliers et attachants, d’Alex à Camina en passant par Ji-soo… Sans oublier l’adorable Goku ! Inspiré du manga, son dessin caractéristique impulse une vie et une énergie incroyable à ces personnages et son trait incroyablement dynamique retranscrit avec force leurs états d’esprit, de l’abattement à la résignation, de la révolte à la prise de conscience et à l’envie de redonner du sens à leur vie… Mais si les héros de cet album sont particulièrement touchants dans leur remise en question, difficile de ne pas être impressionné par le sens du détail de l’auteur, par sa capacité à nous immerger dans des vaisseaux et des stations fascinantes dont les décors foisonnant de détails rendent l’univers incroyablement dense et cohérent… Mais l’artiste s’avère aussi impressionnant lorsqu’il s’agit de dessiner lorsqu’il s’agit de dessiner des planètes déjà privatisée par des corporations…
Au fil de ses albums, Guillaume Singelin tisse une œuvre aussi originale que fascinante et Frontier est une nouvelle pierre ajoutée à son édifice…
Avec ce récit de Science-Fiction, l’auteur de P.T.S.D. va nous entraîner au confins de l’espace à la suite de trois personnages attachants (et un singe trop mignon !) qui, après avoir tous trois travaillé pour des megacorporation dans des domaines très différents (extraction minière, mercenariat et recherche scientifique), vont prendre la décision, parfois contraint et forcé, de tourner la page et de faire en sorte que leur vie soit enfin en accord avec leurs convictions… Avec leurs histoires qui sort des trajectoires que la société avait choisi pour eux, l’auteur interroge sur notre rapport à la nature et au travail, sujets plus que jamais d’actualité…
Le trait expressif de l’auteur fait merveille lorsqu’il s’agit de mettre en scène des personnages attachants qu’il fait évoluer au fil du récit alors que le soin apporté aux décors, fourmillant de détails, s’avère fascinant et apporte à l’histoire sa densité et sa cohérence…
Ce récit d’anticipation écologique est un petit chef d’œuvre à explorer sans modération…
Je suis mal passé pour te juger… Moi, ça fait dix ans que je me laisse consciemment mener par un système que je déteste. Je n’ai pas cherché à fuir. Ni à le changer. Je l’ai subi en me plaignant.Ji-soo
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