Alors qu’il avait grandi à l’orphelinat dans la haine de ses parents qui l’avaient, pensait-il, abandonné, Georg apprend que son père ignorait son existence… Formé par une sniper irlandaise dépêché par l’IRA auprès du Reich, le jeune homme devenu un héros de guerre se met en quête de Liselotte, sa mère…

Mais cette dernière a quitté Berlin pour partir en reportage sur les camps de concentration pour informer le peuple allemand de ce qu’il s’y passe. Elle ignore tout de l’existence de ce fils qu’elle pensait mort-né, tout comme elle croyait Louis, son amant des tranchées, mort lors de la dernière guerre, alors qu’il vit à Paris où il était devenu un metteur en scène reconnu avant d’embrasser la cause de la Résistance…

Le vent de l’Historie allait-il décider du destin de cette famille née puis déchirée par la guerre ?

Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O'Griafa poursuvient leur saga familiale dans monde en guerre…

Leur série esquisse le portrait complexe de l’Europe du XXe siècle, mettant en scène un tableau contrasté, en clair-obscur d’où peuvent sortir ces monstres dont parlait Antonio Gramsci… Mais l’histoire ne peut servir de justification aux actes ignobles commis par certains. Tout est affaire de choix, simples, irrévocables ou douloureux…

En cela le récit mené à quatre mains s’avère passionnant… Elevé dans la haine, Georg fait un temps sienne la cause nazie en servant son pays comme soldat zélé. Sheila, la sniper irlandaise, croit servir l’Irlande en servant dans la Wehrmacht. Liselotte se sent obligée, fut-ce au péril de sa vie, de témoigner des dérives annoncées du régime… Louis aurait pu tout entier se consacrer à sa carrière mais il a décidé de risquer sa vie pour résister à l’occupant… Et que dire de cet officier allemand qui use de son autorité pour permettre à un gamin d’échapper à la rafle du Vel' d'Hiv ? Le vent de l’histoire pousse certes la vie de chacun des protagonistes dans une direction donnée… Mais on ne peut s’abriter derrière la poussière qu’il soulève pour nier qu’on est responsables des actes que l’on a commis et des choix que l’on a fait… Chacun, à un moment donné, aura à faire des choix qui conditionneront sa vie future et pourront hypothéquer son avenir.

D’une grande sensibilité, le travail graphique de Aurélien Morinière est une fois encore de haute tenue. Sublimé par une mise en couleur délicate et des cadrages bien pensés, chacun de ses décors renforce la dramaturgie de chaque séquence, qu’il s’agisse de Stalingrad transformée en champ de ruines, du Paris occupé, des camps de Chelmno ou de Dachau ou d’un Berlin pendant et après la chute du Reich… Ce soin apporté au background de l’histoire rend plus bouleversant encore le destin de cette poignée de personnage entraînés malgré eux dans ce conflit qui allaient les changer à jamais…

Visages - Ceux que nous sommes nous entraîne au cœur des conflits qui ont endeuillé le XXe siècle, dans le sillage d’un poignée d’hommes et de femmes qui allaient se trouver de part et d’autre de la ligne de front et dont les choix allaient être orientés par les vicissitudes de l’Histoire…

Mais, bien que conditionnés par une idéologie qui leur désignait le camp d’en face comme des ennemis, chacun devra faire des choix, parfois douloureux, qui infléchiront le cours de sa vie et contribueront à forger leur identité. Un père et une mère qui se sont rencontrés et aimés dans les tranchées, un fils abandonné élevé dans la haine de ses parents, un alsacien incorporé de force, une sniper de l’IRA croyant servir l’Irlande en servant dans la Wehrmacht…

Autant de destins croisés et enchevêtrés dont l’écheveau forme une trame d’autant plus captivante qu’elle est mise en image par le talentueux Aurélien Morinière dont les compositions et les couleurs sensibles et délicats font soulignent la dramaturgie de l’histoire qui repose sur la complexité de qui fait humanité des protagonistes…

- Je vais aller droit au but.,Wolfang. Lotte Luft, ou plus exactement Liselotte Ruf, est ma mère et je dois la retrouver.
- Votre mère ? Impossible ! Elle n’a eu qu’un fils mort à la naissance !
- Pourtant, je suis bien vivant ! Dites-moi ce que vous savez !
- Elle est en reportage à Munich mais depuis plusieurs semaines, je n’ai plus aucune nouvelles…dialogue entre Georg et Wolfgang