Will Jones vit une vie rêvée dans un loft situé dans une tour hightech d’une métropole riche et prospère. Une femme androïde pourvoit à ses moindres besoins et ses implants mentaux font de lui le plus heureux des hommes. Son travail au sein de l’Académie Historique lui plait. Travaillant en équipe, il passe ainsi ses journées à lisser les témoignages du passé pour les rendre compréhensibles par le tout-venant.

Mais un jour, il trouve dans la poche de sa veste un étrange objet qu’il sait être un livre, objet interdit censé ne plus exister… Sans savoir pourquoi, il l’emmène chez lui et le lit secrètement avant de le détruire et de mettre les morceaux dans les toilettes…

Mais, quelques jours plus tard, il trouve un autre livre dans sa poche et, malgré ce qu’il s’était promis de faire, il décide de le conserver et de le lire… Qui donc glisse-il ces ouvrages interdits dans la poche ? Et dans quel but ?

Rodolphe pose les contours d’une société idéale qui assurerait le bonheur de tout un chacun en donnant à chaque citoyen ce dont il a besoin pour assurer son bonheur… Son quotidien est bien réglé, entre son travail de lissage de l’histoire, ses visites à ses filleuls ou ses parrains d’un jour, ses jeux sexuels avec son androïde… On peut dire que c’est un homme comblé… Mais un grain de sable allait venir bousculer le morne ordonnancement de son quotidien, un grain de sable en forme de livre… Au fil de ses lectures, il va commencer à se poser des questions et sa vie bleu et rose va bien vite virer au gris… Il est trop tard pour regretter d’avoir ouvert le premier livre… Bien que parlant de choses étranges, de maman, d’amour et de sentiments, ses lectures modifient peu à peu sa façon de voir la vie… Et il se laisse entraîner jusqu’à une étrange échoppe située dans la ville basse où vivent les citoyens non-pucés, les parias et les laissés pour compte… Sans savoir que sa vie, déjà passablement ébranlée, allait prendre un virage plus dangereux encore…

On peut voir dans ce scénario de nombreuses analogies avec le 1984 de Georges Orwell ou avec le Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, bien que la société dépeinte ici semble presque idéale… Mais, s’il s’en inspire, Rodolphe ne cherche pas à faire une pâle copie de ces classiques de l’anticipation… Il tisse un scénario original qui s’éloigne de façon savoureuse de ses deux modèles, surprenant le lecteur et esquissant un avenir bien tortueux pour Will Jones et la femme dont il allait tomber follement amoureux, risquant ce faisant de perdre et sa position et sa liberté… C’est peu dire que le scénariste a su captiver notre attention et nous donner furieusement envie de lire la suite de son récit d’anticipation… Les monologues du personnage central s’avèrent captivants, permettant au lecteur de comprendre ces interrogations dont il ne peut parler à per-sonne sous peine de risquer de se faire « nettoyer »…

Rodolphe associe pour la première fois sa plume à celle de Griffo, dessinateur de Giacomo C, Sherman ou Monsieur Noir, pour ne citer qu’eux… On retrouve dans cet album tout le savoir-faire de cet artiste talentueux dont le trait évolue à chaque nouvelle série. Son découpage s‘avère tout à la fois sobre et efficace, esquissant le portrait d’une société tout d’abord idéale avant que le vernis ne craquelle de toute part…

Deux auteurs chevronnés associent leurs talents pour amorcer une trilogie d’anticipation faussement classique… Car si l’amorce évoque les univers dystopiques de 1984 ou de Fahrenheit 451, le scénariste nous réserve bien des surprises tandis que le cliffhanger refermant l’album nous abandonne à notre frustration…

Will Jones fait partie de l’élite de la société. Il possède un magnifique loft, une androïde à son service qui devance ses moindres désirs et un travail qu’il apprécie. Il va avec plaisir rendre visite à ses parrains et filleul d’un jour… Mais son quotidien bien organisé va commencer à s’effriter lorsqu’il trouve un livre dans sa poche …

Le scénario glaçant et fascinant de Rodolphe dépeint une société froidement idéale qui masque difficilement des dysfonctionnements pour peu que l’on prenne le temps de regarder au-delà d’un décorum impeccablement retranscrit par Griffo dont les talents de metteur en scène ne sont plus à démontrer… Que dire sinon vivement la suite ?

Sans cesse, je m’interroge pour savoir qui avait pu glisser ce livre dans ma poche… Quelqu’un de mon département ? Franchement, je ne voyais personne susceptible de jouer à ce drôle de jeu. Et puis pour quoi faire ? Dans quel but ? Et autre question : où a-t-il pu le trouver ? Les archives anciennes ont dû être dématérialisées depuis longtemps… Le midi, au déjeuner, je ne pouvais m’empêcher d’observer mes voisins. Et même plus loin aux autres tables. C’est comme ça que j’ai remarqué cette fille… Elle aussi semblait me regarder.Will Jones