Le monde tel que nous le connaissons n’est plus… Les rares survivants errent dans des paysages désolés où ne subsistent que des ruines, stigmates d’un passé révolu, prises dans les glaces éternelles…
Les légendes racontent qu’il existerait dans la Hors-Zone un sanctuaire où vivrait un enfant bleu qui aurait conservé la mémoire des temps anciens… Alors que tous ne cherchent qu’à survivre dans ce monde hostile, Sol, snipper d’exception, a décidé d’abandonner le clan de la Cordillère pour trouver ce sanctuaire et tenter de comprendre l’implacable enchaînement qui a entraîné la fin des civilisations…
Voilà sept longues années que Christophe Bec avait posé ses crayons pour se consacrer exclusivement à l’écriture…
Inexistences marque le grand retour de cet artiste au dessin, avec un album envoûtant qui s’avère être une œuvre très personnelle atypique dans son fond et somptueux dans sa forme…
L’auteur semble avoir fait preuve d’une liberté créative saisissante en donnant libre cours à ses envies graphiques et narratives et en esquissant les contours d’un univers sublimes et inquiétant qui servira de cadre à plusieurs récits très différents. Car
Inexistences n’est pas à proprement parler un album de bande-dessinée mais un ouvrage hybride entre le récit illustré, la nouvelle et la bande dessinée, un véritable OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) somptueux et inclassable dans lequel Christophe Bec peut donner toute la mesure de son talent.
Somptueux car l’artiste nous livre des illustrations à l’acryliques de toute beauté qui complètent le récitatif de façon saisissante. Certaines, se déployant sur 4 pages avec un ingénieux système de rabat, nous donne à voir cet univers ravagé en cinémascope… L’auteur fait montre de ses talents de dessinateurs et d’illustrateur avec des planches savamment composées et des illustrations immersives et tout juste époustouflantes. Si l’auteur est un narrateur talentueux, il est aussi et surtout un faiseur d’ambiance hors pair, mettant en place avec une rare efficacité le background particulièrement immersif de ses récits, dépeignant une vision pessimiste de notre avenir…
Aux dialogues entre texte et image succède un récit BD se centrant sur cet iconoclaste snipper désireux de connaître le passé de l’humanité. Puis vient une nouvelle vient interroger le lecteur sur notre rapport et à la technologie avant que l’album ne se referme sur de superbes planches où l’on peut contempler la beauté du monde qui a existé avant nous et nous survivra, bien après notre disparition… Et si l’homme oublie trop souvent d’où il vient, négligeant de prendre soin sur cette poussière à la dérive dans l’immensité du cosmos sur laquelle il vit, qui se souviendra de lui, lorsqu’il ne sera plus ?
Avec Inexistences, Christophe Bec rend hommage à ses maîtres, à ces géants qui révolutionnèrent le neuvième art dans les pages du mythique et bouillonnant magazine Metal Hurlant…
Cet ouvrage hybride au format et à la pagination généreuse lui permet de créer un livre envoûtant, sorte de somptueux artbook narratif qui permet à l’artiste de défricher des territoires inexplorés et de nous proposer une vision un brin pessimiste de notre futur, pointant les travers de nos sociétés contemporaines, esquissant les contours d’une apocalypse nucléaire tout en interrogeant sur le rapport de l’homme à la technologie…
Mais l’ouvrage au format et à la pagination généreuse, n’en reste pas moins optimiste en cela que si le temps des hommes a eu un début et une fin, la vie a existé avant lui et se poursuivra sans doute bien après la disparition du dernier homme… Sept ans après ses fascinantes Tourbières Noires, librement inspirées d’une nouvelle de Guy de Maupassant, Christophe Bec reprend ses crayons pour écrire sa grande œuvre, fruit d’un long travail de gestation et de réalisation… Rarement auteur n’aura pu laisser si libre cours à sa créativité et à son talent…
Nous avions tant oublié. Comment se battre, comment atteindre des hauteurs vertigineuses et sombrer dans des abîmes incomparables. Nous n’aspirons plus à rien.Richard Matheson