Alors qu’il flânait en compagnie de Chico, son ouistiti, Pedro aperçoit Vincent, son grand frère, descendre d’une pirogue après avoir une nouvelle fois parcouru le monde. Rêveur et proche de la nature, Pedro se réjouit d’entendre son frère aîné lui raconter son périple comme il le fait à chacun de ses retours…

Pedro est témoin des retrouvailles glaciale de Vincent avec ses amis, Rubens, Vasco et Manuel, alors que son éloignement n’a pas apaisé les relations avec José, leur frère aîné… Au matin, Vincent a disparu, dérobant au passage le bateau de leur frère aîné, José… Pedro décide de faire l’école buissonnière et de partir à la recherche de son Vincent en montant à bord de la pirogue de Tirésias, un vieux sculpteur aveugle et taiseux.

Au fil de son périple, Pedro va comprendre que son frère n’est pas l’aventurier-voyageur qu’il prétend être… Alors que ce dernier vacille sur le piédestal où il le tenait, ce dernier va peu à peu quitter le monde idéalisé de l’enfance et découvrir la violence de celui des adultes…

Ceux qui ont lu le Port des Marins Perdus, Les Filles des Marins Perdus ou La Terre, le Ciel, les Corbeaux n’ont pu qu’être touché par le talent conjugué de Teresa Radice et Stefano Turconi et leur saisissante capacité à donner vie à des personnages bouleversant de justesse et de sensibilité… C’est peu dire que nous attendions comme beaucoup ce Beau Parleur signé par ce duo d’auteurs italiens au sommet de leur art…

Dès les premières pages, le lecteur est happé par ce récit intimiste dont le narrateur n’est autre que le jeune Pedro qui, bien que l’ignorant encore, s’apprête à perdre une partie de ses illusions... Raconté dans un cahier d’écolier, ses récitatifs viennent préciser ses pensées et ses états d’âme, nous donnant à ressentir tant l’admiration qu’il voue à son voyageur de grand frère que la tristesse qui est sienne lorsque ses mensonges et ses trahisons se font jour… Sa fraîcheur et sa naïveté sont confondante de justesse, rendant l’histoire plus poignante encore qu’elle ne l’est, le lecteur comprenant ce que cachent les demi-vérités de Vincent qui cherche tant bien que mal à laisser dans l’ombre les éléments les plus sombres de son histoire. La relation entre les deux frères est décrite avec tendresse et sensibilité… De désillusions en désillusions, Pedro ne va cesser s’affirmer au fil de l’histoire, inversant peu à peu leur relation d’interdépendance, devenant presque l’adulte que son frère était censé être.

Difficile de ne pas être bluffé par le soin apporté par Teresa Radice à l’écriture de chacun de ses personnages et la façon dont elle compose leurs portraits, par petites touches subtiles qui viennent souligner leurs failles et renforcer les liens qui les lient les uns aux autres…

Le dessin délicat de Stefano Turconi fait une fois de plus merveille. Ses aquarelles restituent la beauté sauvage de la jungle amazonienne et font la part belle aux sentiments, nous donnant à ressentir les émotions qui étreignent le jeune Pedro avec une désarmante facilité. Petite merveille de subtilité, son découpage immerge avec force le lecteur au cœur de ce récit intimiste alors qu’il invente de nouveaux codes graphiques pour souligner le ressenti du jeune héros et figurer les mille et unes idées qui traversent son esprit éveillé par sa lecture des livres d’aventure ramenés par son frère au cours de ses périples imaginaires…

Fascinés par leur Port des Marins Perdus, leurs Filles des Marins Perdus ou La Terre, le Ciel, les Corbeaux, nous ne pouvions faire l’impasse sur le nouvel album des talentueux Teresa Radice et Stefano Turconi.

Formidables conteurs d’histoire, les deux auteurs italiens nous entraînent au cœur de la jungle amazonienne pour un récit initiatique plein de tendresse et d’humanité au cours duquel le jeune Pedro va abandonner peu à peu les rivages insouciants de l’enfance et découvrir la violence du monde des adultes…

Le scénario tendre, poétique et entraînant de Teresa Radice est superbement mis en image par les aquarelles subtiles et délicates de Stefano Turconi qui nous donnent à voir cette histoire à travers les yeux d’un gamin naïf et rêveur biberonné aux livres d’aventures et aux récits de voyages de son frère…

Le beau parleur est un petit chef d’œuvre de sensibilité et d’émotions qui vient compléter l’œuvre de deux auteurs italiens au sommet de leur art…

Tout a commencé il y a plusieurs années, à l’époque de la cabane sur le fleuve. Un jour, une connaissance de Manuel est venue nous voir pour nous proposer un marché. Il avait un coffre plein de… Doce de Leite artisanal, qu’il faisait lui-même. Mais il ne pouvait pas le manger parce qu’il était au régime… Non, il était allergique.
- Il était au régime ou il était allergique ?
- Les deux. Mais il ne voulait pas que son doce de leite se perde, parc qu’il savait qu’il était excellent. Il s’est dit qu’on pouvait peut-être le vendre dans la région…dialogue entre Vincent et Pedro