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Bobigny 1972
Bobigny 1972



Fiche descriptive

Histoire

Marie Bardiaux-Vaïente

Carole Maurel

Carole Maurel

Glénat

10 janvier 2024


25€

9782344045664

Chronique

En 1972, Marie-Claire Chevalier, enceinte à la suite d’un viol, est dénoncée pour avortement clandestin par son propre agresseur. L’avortement est encore, à cette époque pas si lointaine, un délit passible d’une très forte amende et même d’incarcération. Sa mère qui a tout mis en œuvre pour lui venir en aide, ainsi que des femmes ayant pris part aux événements, comparaissent elles aussi devant la justice, pour complicité.

Cette affaire dramatique tristement banale devient l’un des grands procès historiques par le concours de Gisèle Halimi, avocate de toutes les grandes causes féministes et antiracistes. Elle s’empare de l’histoire de Marie-Claire et de sa mère, pour créer un électrochoc médiatique, public et sociétal.

Elle ne défend plus une jeune femme « coupable » d’avortement, elle attaque les lois et politiques anti-abortives qui sévissent en France. Forte du soutien de grandes stars françaises, actrices, intellectuelles, journalistes mais aussi personnalités politiques, Maître Halimi a pour objectif de provoquer une jurisprudence dont le tribunal de Bobigny devient le théâtre.
un chef d'oeuvre!


Seule(s) contre la loi
Bobigny 1972, planche de l'album © Glénat / Maurel / Bardiaux-VaïenteJanvier 1972. Un chauffard est arrêté par la police et risque une inculpation pour délit de fuite et mis en danger de la vie d’autrui… Il veut négocier et livre à la police le nom d’une femme dont il sait qu’elle eut recours à un avortement clandestin. S’il le sait avec certitude, c’est qu’il est le violeur qui l’a mise enceinte…

A six heures du matin, Marie-Claire Chevalier est arrêtée ainsi que sa mère qui a tout mis en œuvre pour venir en aide à sa fille et leur appartement fouillé… Toutes deux vont être jugée en compagnie des deux femmes, accusées de complicité… Cette dramatique affaire est tristement banale. L’avortement était à l’époque un délit passible d’une lourde amende et de plusieurs années de prison…

Mais l’avocate Gisèle Halimi va s’emparer de cette affaire pour mettre en lumière le sort de ces femmes à qui on interdit de disposer librement de leur corps… Elle ne défend plus uniquement sa cliente mais pointe l’iniquité d’une loi et la politique anti-avortement qui sévit dans la France des Trente Glorieuses. Elle compte bien faire du procès de Marie-Claire Chevalier une jurisprudence qui pourra servir de levier pour faire changer la loi…


Bobigny 1972, planche de l'album © Glénat / Maurel / Bardiaux-Vaïente
un récit bouleversant de justesse et d’humanité
Beaucoup savent ce que la loi relative à l'IVG adoptée le 20 décembre 1974 doit à Simone Veil mais ignorent parfois que si une telle loi a pu aboutir, malgré de nombreuses oppositions, c’est grâce au combat de Gisèle Halimi qui fit du procès d’un fait divers tragique comme il en existait trop le fer de lance d’un combat contre un système profondément injuste.

Difficile de ne pas être impressionné par la qualité d’écriture de l’album et la façon dont sont mis en place les différents protagonistes de cette histoire. La scénariste engagée qu’est Marie Bardiaux-Vaïente prend le temps de poser le décor, de parler du Manifeste des 343, par ailleurs reproduit dans l’album, où des femmes célèbres ou anonymes reconnaissaient avoir avorté, malgré les risques encourus. Elle met avec finesse en lumière les horreurs d’une loi qui fait d’une jeune femme victime de viol et ne désirant pas garder l’enfant une criminelle et de sa mère et des femmes qui l’ont aidé à accomplir sa volonté des complices… La scène de la perquisition au domicile de Marie-Claire Chevalier est tout juste insoutenable d’inhumanité et vous prend aux tripes jusqu’à vous donner la nausée alors que la façon dont l’autrice pointe les inégalités des femmes devant l’avortement, selon qu’elles soient riches ou pauvre, démontre de façon irréfutable à quel point la loi l’interdisant était profondément injuste… Notons que ce triste constat vaut encore de nos jours pour la GPA ou le droit de mourir de la dignité qui sont, en l’absence de loi, accessibles aux seules personnes en ayant les moyens.
Bobigny 1972, planche de l'album © Glénat / Maurel / Bardiaux-Vaïente
deux autrices talentueuse dont l’association apparait comme une évidence
Il faut dire que le récit est mis en image par Carole Maurel dont le trait sensible et délicat est toujours bouleversant de justesse par sa façon de donner à ressentir les sentiments et les passions qui animent chacun des personnages qu’elle met en scène. Peu d’artistes sont capables de faire s’incarner si pleinement des êtres de papiers, de leur faire prendre chair, et de nous remuer de la façon dont elle le fait avec une facilité désarmante qu’on sait n’être qu’apparente. Son découpage est une petite merveille de précision qui accentue avec subtilité la dramaturgie de chaque scène, ce doigt qui se noue autour du fil du téléphone, ces silences qui en disent longs, ces regards si expressifs qu’ils nous tirent les larmes et nous donnent envie de hurler, le désarrois d’une mère prête à tout pour aider sa petite fille, le courage dont fait preuve Marie-Claire lorsqu’elle accepte que son procès soit placé sous les feux des projecteurs pour tenter de faire changer cette loi inique…

Bobigny 1972, planche de l'album © Glénat / Maurel / Bardiaux-VaïenteBobigny 1972 revient sur le très médiatique procès de Marie-Claire Chevalier, jeune fille de 16 ans poursuivie pour avortement illégal. Gisèle Halimi, son avocate, signataire du Manifeste des 343 et co-fondatrice de Choisir la Cause des Femmes, allait en faire une tribune médiatique pour dénoncer la loi de 1920 interdisant le recours à l’avortement…

L’association de Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel apparait comme une évidence tant la conjugaison des talents respectifs de ces deux autrices donne lieu à une œuvre somptueuse, bouleversante, édifiante et salutaire, le genre d’album qui nous permet d’affirmer que la bande-dessinée est bien un art à part entière permettant d’aborder avec finesse et intelligence des sujets sociétaux de première importance.

La saisissante capacité de Carole Maurel à donner à voir et à ressentir les émotions de ses personnages et la qualité d’écriture de l’album, des dialogues jusqu’à sa structure narrative impeccable, tout contribue à faire de cet album l’un des plus poignant et des plus brillant de ce début d’année en nous donnant à comprendre ce qui s’est joué au Tribunal de Bobigny en octobre et novembre de l’année 1972.

L’un de ces chefs-d’œuvre qui vous font aimer la bande-dessinée…


- Maman… Comment je vais faire ?
- Ne t’inquiète pas, je vais trouver une solution.dialogue entre Marie-Claire et sa mère

Le Korrigan




Inspiration jeux de rôle

Cette fiche n' est référencée comme inspi pour aucun jeux de rôle.