On entend rarement parler du Conseil Constitutionnel sauf au moment de l’élection présidentielle ou lorsque des députés ou sénateur déposent un recours pour juger de la constitutionnalité d’une loi. Mais peu de citoyens connaissent sa composition, son rôle et son fonctionnement alors qu’elle est l’un des rouages essentiels de la démocratie.

Marie Bardiaux-Vaïente et Gally se proposent de nous servir de guide dans les couloirs de cette vénérable institution qui est l’une des moins connues de toutes nos institutions… Et, si certains craignent un exposé long, exhaustif et ennuyeux, songez que la dessinatrice est dotée d’un trait dynamique et expressif que l’on a pu découvrir dans L'esprit critique (scénario : Isabelle Bauthian) et que la scénariste possède le talent de transmettre la passion pour un sujet qu’elle maîtrise avec une redoutable efficacité, telle sa Guillotine (dessiné par Rica) ou son remarquable et bouleversant Bobigny 1972 (mis en image par les crayons sensibles et délicats de Carole Maurel)…

L’album est donc tout, sauf ennuyeux, les autrices réussissant même l’exploit à le rendre tout à la fois drôle et follement ludique ! Historienne de formation, la scénariste parvient indéniablement à rendre son sujet passionnant et son émerveillement devant la cohérence intrinsèque de nos institutions nous font toucher du doigt l’importance et la place centrale qu’occupe le Conseil Constitutionnel dans notre République… ou plutôt au sommet de la pyramide de Kelsen qui institue la constitution comme norme suprême, situé au-dessus des règlements, lois et même des traités internationaux, et dont le Conseil Constitutionnel est le garant…

Malgré la pertinence du propos, l’humour est omni présent, tant dans le dessin formidablement expressif de Gally que dans les petites scénettes qui accompagnent l’exposé du fondement, de l’histoire, du rôle et du fonctionnement du Conseil Constitutionnel… La dessinatrice semble-t-il pris un réel plaisir à représenter la scénariste en passionaria qui s’emporte parfois (souvent ?) de façon délicieusement caricaturale pour exprimer ses convictions profondes qu’on sent chevillée au corps ou pointer une injustice… Si elle s’amuse à se représenter comme étant là par pure amitié pour la scénariste, se laissant facilement distraire, elle peut s’enflammer lorsqu’un sujet en particulier la passionne, tel l’IVG sur laquelle le Conseil a dû statuer, saisi par un groupe de députés opposé à la loi Veil, ou la possibilité pour chaque citoyen de dénoncer une loi auprès du Conseil. On y croise aussi Laurent Fabius, l’actuel Président du Conseil Constitutionnel qui les rappelle parfois à l’ordre lorsqu’emporté par la ferveur de leurs échanges, elles perturbent quelque peu la sérénité des lieux…

Marie Bardiaux-Vaïente et Gally exposent avec pédagogie, humour et passion les fondements du Conseil Constitutionnel, de son histoire à ce qui a présidé à sa création, de la nomination des sages qui le constituent à la façon dont il fonctionne, en précisant son rôle et ses attributions au travers d’exemples bien sentis, sans oublier son évolution au fil du temps…

Porté par le trait délicieusement caricatural formidablement expressif de Gally, par la passion et l’érudition de Marie Bardiaux-Vaïente et une complicité évidente entre ces deux autrices, la lecture de l’album s’avère aussi drôle et ludique qu’instructive… Sorti par un étrange hasard éditorial au moment où des députés prennent comme prétexte la censure de la loi « immigration » pour demander une suppression du Conseil Constitutionnel, s’attaquant implicitement au socle même de notre démocratie, dans les couloirs du Conseil Constitutionnel montre l’importance de cette vénérable institution garante de nos libertés et ardente défenseuse de l’esprit de notre Constitution…

- Tu dois comprendre un fait essentiel... La souveraineté étatique et la souveraineté européenne ne sont pas du tout concurrentes…
- Okaaay…
- … Elles sont complémentaires ! C’est E-PA-TANT !! Par exemple, en 2023, le Conseil rappelle que la France a une obligation constitutionnelle de transposer les directives européennes. Mais il veille à ce que la transposition ne heurte pas « l’identité constitutionnelle », ce qui fait notre spécificité, autrement dit… l’autre versant des interactions entre la constitution et les lois et règles européennes, c’et el respect que doit la France aux valeurs communes de l’union, comme tout état membre au demeurant. Tu sais que la peine de mort est interdite dans l’UE depuis le 4 décembre 1939… Et bien la France a changé sa constitution dans cette optique en 2007 !dialogue entre Marie Bardiaux-Vaïente et Gally