




Alors que les revers de la Wehrmacht sur le front Est marquent le tournant de la guerre et que les nazis instaurent un climat de terreur sur Paris, Frankie est libéré de prison par le Commissaire Klébert qui lui demande de poursuivre sa mission de surveillance… Si certains se réjouissent de son retour, d’autres ne lui font plus confiance, d’autant qu’il critique l’assassinat de Julius Ritter, général responsable du STO, qui a entraîné l’arrestation et l’exécution de cinquante innocents en représailles.
Tandis que l’étau se resserre autour de Klébert, la résistance demande à Frankie d’abattre un collaborateur. Mais, tandis qu’il s’apprête à passer à l’acte, il reconnaît un policier parmi les passants et flaire le piège… La mission tourne au fiasco et il est bientôt suspecté d’être un traitre… En passe d’être torturé, il est sauvé par Willa qui s’enfuit avec lui… Poursuivis par la Gestapo, la police et la Résistance, tous deux sont contraints de quitter Paris, sur les conseils et avec l’aide de Kléber, non sans avoir récupéré Lola, la petite sœur de Frankie…
Faisant route vers la Normandie, ils vont participer à la préparation du débarquement avec un groupe de résistants menant des opérations de sabotage pour enrailler la machine de guerre allemande…
Avec
Every time we say goodbye, Salva Rubio et Danide referment leur trilogie swing se déroulant dans le Paris des années sombres alors que, sentant le vent de l’histoire tourner, l’occupant se fait plus cruel et plus violent que jamais…
Qu’il est loin le temps de l’insouciance où les zazous, surnom né dit-on d’une chanson de Cab Calloway(
Zaz Zuh Zaz), s’amusaient pour conjurer les horreurs de la guerre qu’ils traversaient avec désinvolture, refusant, près de trente ans avant mai 68, toute forme d’autorité… D’abord décriés, ils sont devenus le bouc émissaire du gouvernement de Vichy et d’une presse à ses ordres, peu après l’entrée en guerres des Etats-Unis et le débarquement en Afrique du Nord qui esquissait pour les allemands les contours d’une possible défaite que l’enlisement sur le front Est ne fit que confirmer… Comment les autorités de l’époque auraient-elles pu comprendre ce mouvement pacifiste sur lequel rien ne semblait avoir de prise ? Il était plus tellement plus aisé de le stigmatiser ! D’ailleurs, n’écoutaient-ils pas de la musique américaine ? De là à en faire de fervents gaullistes et des traîtres à la patrie, il n’y avait qu’un pas que les autorités française et allemande franchirent sans vergogne…

Et s’ils ont, pour un temps au moins, remisé leur panoplie de swingers au vestiaire, Frankie comme Willa n’ont rien perdu de leur soif de liberté ! Ils sont prêts à prendre tous les risques pour la défendre, même si cela doit passer par se mettre à dos la gestapo, la police et même la résistance qui le soupçonne (à juste titre !) d’être une taupe… Et, lorsqu’on combat la barbarie, on risque certes de perdre la vie, mais aussi de se perdre soit même et de devenir le reflet de ceux qu’on combat !
Porté par un sens du rythme saisissant et s’inscrivant dans la Grande Histoire,, l’histoire de Salva Rubio s’avère particulièrement fluide, nous entraînant de la Santé aux catacombes, des toits aux ruelles de Paris, en passant par la Normandie avant de revenir pour la libération de la capitale… Solidement structuré, le scénario s’avère passionnant, ponctué par des séquences où l’on s’éloigne un temps de nos jeunes et bouillonnants héros pour s’intéresser à Churchill apprenant que, malgré les revers de l’armée allemande, le débarquement devait être encore différé ou au Général Ritter expliquant aux autorités française qu’il devront faire preuve de zèle pour contraindre les français de 15 à 50 ans à effectuer le STO…

Cet encrage historique renforce la dramaturgie du récit tandis que le comportement et l’attitude romanesque de Willa et de Frankie les rendent particulièrement attachants… et ce d’autant plus qu’ils révèlent des facettes méconnues de leur personnalité au cours de séquences particulièrement émouvante, telle celle où Willa revient sur un épisode douloureux de son enfance…
Pour mettre en image ce récit virevoltant, il fallait le talent d’un Danide, auteur espagnol qui a le chic pour changer de style pour chacune des histoires qu’il met en scène. Souple et follement élé-gant, sont trait est joliment mis en valeur par les couleurs généreuses de Lise Gallot dont le travail contribue à poser ces ambiances fascinantes qui émaillent la série. Difficile de ne pas être bluffé par le sens du découpage de l’artiste espagnol et sa façon très cinématographique de mettre en scène les personnages et de jouer avec les ombres et les lumières pour renforcer la dramaturgie de chaque séquence… Si, à l’instar des précédentes, la couverture synthétise avec brio l’esprit de l’album, j’avoue être tombé en admiration devant la dernière planche de l’album, remarquable-ment bien emmenée par les deux précédentes, et qui montre la vie qui reprend de la plus belle des façons… show must go on !

De son Photographe de Mauthausen à Max et les Années 20, de ses biographies romancées de Miles Davis et Juliette Greco, de Django Reinhardt à Jacques Brel en passant par Monet et Degas sans oublier son Dumas père, Salva Rubio ne cesse de nous envoûter avec ses personnages romanesques ancrés dans leurs temps et reflet de leur époque…
Superbement mis en image par le trait souple et généreux de Danide et ses compositions fluides et somptueuses qui nous immerge avec force dans le Paris occupé, sa trilogie met en lumière un groupe de jeunes libres et insouciants qui traversaient la guerre avec désinvolture : les Zazous… S’appuyant sur deux personnages dont les destins vont se télescoper sur un air de swing, le scénariste tisse un récit rythmé et entraînant qui va les voir embrasser la cause de la Résistance et se retrouver au cœur de la tourmente.
Salva Rubio et Danide signent avec ces Zazous une trilogie romanesque captivante qui déroule un récit fictionnel captivant prenant place dans un cadre historique précis…
- Si vous aviez vu la tronche qu’il a tiré ! Allez trinquons à…
- Ils ont exécuté cinquante personnes. Je me demande bien ce que vous célébrez.
- Frankie, fais pas ton rabat-joie !
- Ils sont morts pour la France !
- Personne ne leur avait demandé s’ils avaient envie de se sacrifier pour ce pays.dialogue page 12