     Missak Manouchian était enfant lorsqu’il a vu son père tué sous ses yeux lors du génocide arménien. Orphelin et apatride, grand admirateur d’Hugo, Verlaine et Apollinaire, il décide de gagner la France en compagnie de son frère pour y devenir poète. Il fit de nombreux petit boulot alors que le racisme et l’antisémitisme s’installaient insidieusement à Paris malgré la parenthèse du Front populaire. Militant communiste et côtoyant les milieux artistiques et culturels arméniens, engagé volontaire en 1939, on lui refusera la nationalité française. Il entra rapidement en clandestinité avec sa compagne, Mélinée, et intégrera les Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP MOI) et devint commissaire militaire en août 1943.
Son groupe participa à plusieurs coups d’éclat, dont l’assassinat du général Julius Ritter, responsable du Service de Travail Obligatoire… Pour venger sa mort, les nazis feront arrêter et exécuter cinquante innocents le 2 octobre 1943… Traqués sans répit, Missak est arrêté avec vingt de ses hommes… Torturé, son simulacre de procès fera l’objet d’une campagne de propagande relayée par la presse collaborationniste et la fameuse « affiche rouge » qui n’aura pas l’effet escompté… Après avoir écrit une dernière lettre bouleversante à sa compagne, il est exécuté le 21 février 1944 avec ses hommes, refusant d’avoir les yeux bandés…
 Il aura fallu attendre soixante-dix ans, jour pour jour, pour que Missak Manouchian et sa compagne n’entrent au Panthéon en reconnaissance de service rendu à la France. Alors que la loi sur l’immigration a été votée (puis en partie retoquée par le Conseil Constitutionnel), l’entrée au Panthéon montre que ces étrangers qu’on accuse de tous les maux n’ont pas hésité à prendre les armes pour défendre leur pays d’adoption, au nom d’un idéal de liberté et de fraternité…
Quoi de plus normal que le neuvième art s’intéresse à nouveau à ces fusillé de l’Affiche Rouge, tel Missak, Mélinée & le groupe Manouchian de Jean-David Morvan, Thomas Tcherkezian et Ooshima, Hiroyuki ou ce Missak Manouchian - Une vie héroïque… On découvre dans cet album de scénarisé par Didier Daeninckx la vie tragique et sublime de ce héros en la faisant commencer à Adiyaman, en Arménie, lors de l’été 1915… Le récit s’avère poignant car on en connaît dès le début l’issue tragique. Outre l’idée pertinente de faire de Mélinée Manouchian la narratrice de l’histoire de son époux, la force du récit est d’avoir ponctué les grandes étapes de la vie parisienne de Missak Manouchian avec affiche de films ou de propagande qui entrent en résonnance avec le propos et contribuent à immerger le lecteur dans l’époque en replaçant ce grand homme dans son temps.
Le dessin réaliste de Mako et les couleurs subtilement désuètes de Dominique Osuch font revivre cette époque et ce personnage qui alla jusqu’à perdre la vie pour défendre un pays qui lui avait pourtant refusé de lui accorder la nationalité française alors qu’il y vivait et y travaillait depuis des lustres…
La bande-dessinée proprement dite est complétée par un dossier aussi édifiant que didactique. A grand renforts de photos et de documents d’époque, Denis Peshanski, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de l’histoire de la seconde guerre mondiale, revient plus en détails sur la vie de Manouchian en y apportant de nombreuses précisions, inscrivant son destin dans celui de la France… Les lecteurs pourront notamment relire les lettres poignantes qu’écrivit Missak à sa fille et à sa femme ou le superbe poème d’Aragon si puissamment mis en musique par Léo Ferré.
 Alors que Missak et Mélinée Manouchian viennent d’entrer au Panthéon, Didier Daeninckx et Mako se proposent de nous raconter son histoire qui commence avec le génocide arménien…
Après avoir vu son père abattu sous ses yeux, Missak et son frère, désormais apatrides, choisissent d’émigrer en France… Travaillant comme ouvrier et grands admirateurs de poètes français, il fréquenta les milieux artistiques et culturels arméniens en exil à Paris. Lorsque la guerre éclata, il fut engagé volontaire avant de rejoindre la résistance et de mener plusieurs actions d’éclat. Suite au meurtre du général Julius Ritter, responsable du STO, lui et ses hommes furent traqués, arrêtés et enfermés avant d’être exécuté au Mont-Valérien, le 21 février 1944…
C’était il y a soixante-dix ans. Un exilé arménien perdait la vie pour défendre son pays d’adoption qui avait pourtant refusé de lui accorder la nationalité française. Avec Missak Manouchian - Une vie héroïque, Didier Daeninckx et Mako rendent hommage à ce grand homme, rappellant, si besoin était, que des étrangers ont versé leur sang pour la France, leur terre d’accueil…
- Tu n’as rien mangé…
- Impossible d’avaler quoi que ce soit. L’armée allemande était du côté des Turcs en 1915, pendant les massacres… Après l’explosion, j’ai eu l’impression que mon père et ma mère sortaient du tombeau. On ne tue que des tueurs.dialogue entre Mélinée et Missak Manouchian
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