




Septembre 1943. Les italiens capitulent et quittent la zone libre qui passe sous domination allemande. Pour échapper aux nazis, la famille de Lisou, juifs non pratiquants, est obligée de se cacher dans un chalet délabré à une dizaine de kilomètres de Grenoble.
Février 1944. Alors qu’à l’Est l’armée du Reich est tenue en échec, les rafles se multiplient… Grâce à la présence d’esprit de Mylaine, sa grande sœur, Lisou échappe à une rafle et parvint à prévenir ses parents, miraculeusement absents ce jour-là… Il semble évident que la famille de Lisou a été dénoncé…
Pour sa sécurité, Lisou va être confiée à la famille d’un Pasteur de Sassenage où elle passera quelque temps, recevant parfois des nouvelles de ses parents ou de sa sœurs, partie pour le camp de Drancy…

La période de l’occupation est une parenthèse sombre de notre histoire et si elle est complexe et difficile à appréhender pour un adulte, elle l’est plus encore pour un enfant qui n’est pas outillé pour comprendre qu’on puisse vouloir la mort d’une partie de la population à cause de sa religion, de sa culture ou de sa différence…
Basé sur la vie de ses deux tantes dont elle a patiemment recueilli les témoignages, Marion Achard nous livre un récit bouleversant de justesse et de sensibilité. Il faut dire que la structure de son histoire s’avère judicieuse pour happer le lecteur et l’entraîner dans le sillage de la jeune Lisou, gamine pétillante de vie et de malice qui va partager les épreuves qu’elle a dû traverser avec une facilité désarmante… Le récit commence à Paris, en 2022, alors qu’une vieille dame nous parle de sa jeunesse en sirotant un café… Elle avait dix ans en 1943. Elle n’est autre que Lisou… Cette introduction permet, mine de rien, de reposer le contexte, la fin de la zone occupée où s’étaient réfugié bien des familles dont la vie est désormais menacée…

La façon dont elle dépeint sa famille et les liens existant entre eux s’avère particulièrement touchante… Une famille aimante et ordinaire qui aurait dû être heureuse mais qui va être bousculée et entraînée par le vent tumultueux de l’histoire… L’autrice joue avec art de la temporalité, remettant en scène une Lisou devenue vieille pour accentuer la dramaturgie du récit… Joliment esquissés, les différents personnages s’avèrent bougrement attachants et contribue à nous immerger dans cette époque troublée, la noirceur de l’histoire que l’on devine derrière les mots d’enfants étant atténuée par le fait que c’est la petite fille qui nous raconte son histoire, telle qu’elle l’a ressentie du haut de ses dix ans… Dialogues et récitatifs s’avèrent particulièrement touchants, contribuant à nous faire entrer dans l’intimité d’une petite fille bousculée par la guerre et la folie des hommes… Par leur truchement, les peurs, les angoisses, les moments de bonheur et l’espièglerie de Lisou sont ainsi joliment retranscrit, conférant toute sa force et son charme à l’histoire…
Difficile de ne pas être impressionné autant qu’envouté par le somptueux travail de Toni Galmés, dessinateur espagnol dont les aquarelles parviennent à retranscrire avec acuité les émotions de la jeune Lisou et des ses proches… La douceur de son trait et ses couleurs lumineuses renforcent avec art l’impression de voir ce monde en guerre à travers les yeux d’un enfant de dix ans qui, malgré les malheurs, n’a rien perdu de sa capacité d’émerveillement et de résilience, pouvant passer du rire aux larmes avec une aisance confondante, entretenant cette lueur d’espoir revigorante et salutaire… Sous ses pinceaux délicats, les personnages s’incarnent pleinement et les compositions généreuses de l’auteur nous offre de réels moments de grâce…

Quand la nuit tombe nous immerge dans les années sombres de l’occupation que l’on découvre à travers les yeux d’une petite fille de dix ans…
Septembre 1943. La disparition de la zone libre qui passe sous les autorités allemandes force Lisou et sa famille à quitter leur appartement de Grenoble pour un chalet délabré où ils passent quelques jours presque paisibles… Mais, alors que Wehrmacht subit de lourds revers sur le front de l’Est, les raffles se multiplient, obligeant la famille de Lisou de quitter ce petit havre de paix… Séparé de ses parents pour des raisons de sécurité, elle s’en est allée vivre dans la famille d’un Pasteur alors que tout laisse à penser que sa grande sœur qui n’a pu échapper à la rafle a été menée au camp de Drancy…
Retranscrivant avec une justesse saisissante les sentiments de Lisou et de ses proches, le dessin délicat de Toni Galmés est une petite merveille de douceur et de sensibilité qui nous donne à voir les drames évoqués par le scénario sensible solidement charpenté de Marion Achard à hauteur d’enfant… S’inspirant de l’histoire de ses tantes, ce premier tome s’avère aussi entraînant que bouleversant… Une bien belle découverte, indéniablement…
J’ai du changer de nom. Je m’appelle maintenant Veillet. Veillet, c’est presque comme Veil, mais pas tout à fait pareil. J’ai peur d’oublier. De me tromper. C’est pourtant facile. Qu’est-ce qui se passerait… si je me trompais ?Lisou