    Alors que les troupes allemandes avançaient sur Paris, le conservateur du Louvre a demandé à Babi Maklouf Benhamou de prendre en charge des œuvres du musée pour les soustraire à la rapacité de dirigeants nazis…
Né en Algérie, passionné par la culture française et naturalisé grâce au décret Crémieux, le voilà parti sur les routes de France avec sa petite famille pour mettre ces toiles à l’abri… Mais, alors que la zone libre n’est plus, l’antisémitisme gagne du terrain et la peur fait désormais partie du quotidien…
Apprenant que le conservateur du musée de Pau l’a dénoncé aux autorités, les voilà repartis sur les routes, abandonnant les œuvres à l’abri derrière un mur de brique… Un ami à eux va les cacher dans un petit appartement donnant sur une maison close fréquentée par des soldats allemands… Ils ignoraient qu’ils allaient y passer plusieurs mois…
Avec cette trilogie, le réalisateur, metteur en scène et scénariste Elie Chouraqui nous raconte l’histoire saisissante de son grand-père, héros ordinaire de la guerre qui risqua sa vie et celle de sa famille pour sauver des œuvres d’art confiées par le conservateur du Louvre où il officiait comme gardien… Bien que né en Algérie, il n’a ce faisant qu’accompli ce qu’il considérait comme son devoir…
 La tension va crescendo au fil des albums pour atteindre son apogée dans les pages de cet album. La ligne de démarcation disparue, les lois anti-juives se durcissent encore, rendant la vie de la famille plus angoissante encore… Le climat général est fort bien rendu et la réaction des différents membres de la famille face à l’adversité grandissante permet à l’auteur de montrer la façon dont ces lois impactent leur quotidien mais aussi de montrer que de ces temps troublés sont les révélateurs de la part d’ombre comme de la part lumineuse de l’être humain… Entre ce jeune homme qui porte l’uniforme allemand mais déteste Hitler, ce conservateur qui dénonce la famille par appât du gain, cet homme travaillant pour la gestapo et qui se retrouvera à tondre sans vergogne les femmes accusées de collaboration horizontale…
Raconté par le grand-père arrivé au seuil de sa vie, le récit s’avère des plus poignants avec ces allers-retours entre le passé et le présent. Mais c’est surtout la complicité entre les membres de la famille dont chacun régit différemment aux événements selon la perception qu’il peut en avoir, et, plus particulièrement, entre ce grand-père et le scénariste, qui rende cette histoire si poignante… Si l’occupation a été décrite avec nombre de détails, la libération, qui aurait dû n’être que joie et allégresse, est, elle aussi, finement mise en scène, avec les exactions qui l’ont suivi de peu…
Rehaussé par ses couleurs délicates, le trait souple et semi-réaliste de Letizia Depedri porte joliment ce récit historique. Elle donne vie à cette touchante galerie de personnages et la pertinence de ses cadrages et de son découpage nous donne à ressentir l’émotions, de l’angoisse qui est la leur lorsque l’étau se resserre autour d’eux à ces respirations apportées par une boutade ou une remarque qui vient apaiser l’ambiance…
 Élie Chouraqui conclue de jolie manière sa trilogie mettant en scène son grand-père et ses enfants durant la seconde guerre mondiale…
Gardien de nuit au Musée du Louvre, Babi Maklouf Benhamou se voit confié par le conservateur la mission de transporter et mettre à l’abri des œuvres d’art pour les soustraire aux autorités allemandes… Après un périple dans une France en pleine déroute, lui et sa famille sont parvenus à gagner Pau. Mais les lois antisémites ne cessent de se durcir, faisant peser sur eux une menace de plus en plus oppressante… Dénoncés, ils doivent reprendre la route et attendront la fin de la guerre cachés dans un petit appartement jouxtant un bordel fréquenté par les soldats allemands…
Mis en image par le trait souple de Letizia Depedri, ce Héros du Louvre est un vibrant hommage d’un homme à son grand-père qui nous raconte un pan passionnant et méconnu de notre histoire.
- Elle a raison. Ouvre les yeux Babi. Des enfants rentrent de l’école et ne trouvent plus leurs parents à la maison. Les miliciens fusillent ceux qui résistent. Il emmène les gens de force…
- C’est Vichy, ça, les salauds…
- Mais Vichy, maintenant c’est la France, Babi. Pétain, c’est la France. Ils veulent nous tuer juste parce qu’on est juifs ! Ta fille a raison. Si on sort d’ici maintenant, ils peuvent nous arrêter et nous faire disparaître.
- Ah, et puis j’ai oublié de te dire, Papa… Tu n’es plus français. C’est la nouvelle loi. Lis. Les juifs d’Algérie sont privés de leur nationalités française acquise grâce au décret crémieux.dialogue page 20-21
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