S’il a refusé de céder aux traditions en assassinant son royal père pour coiffer la couronne, le Prince, frêle et indolent, est néanmoins devenu Roi, après le trépas de son père, tué par une lame empoisonnée lors d’un duel ou par un poison ingéré peu avant celui-ci…

La nuit amorçant son règne, son frère aîné s’évade des cachots dans lesquels il croupissait depuis quinze années pour avoir comploter contre le roi et le nouveau monarque est victime d’une tentative d’assassinat fomenté par le Tigre des Marais…

Tandis que sa mère se désole de la fainéantise de son royal fils, le roi est bien moins oisif qu’il n’y paraît et, sans se départir de son attitude désinvolte et désintéressée, œuvre dans l’ombre à déjouer les nombreux complots visant à déstabiliser son royaume…

Maître d’œuvre de la série-concept Détective et récemment scénariste de l’édifiant Altamont (chaudement recommandé par la rédaction !), Herik Hanna poursuit son envoûtante tragédie shakespearienne anthropomorphique avec son complice Redec avec qui il avait déjà signé l’excellent Blind Dog Rhapsody et le premier hors-série de Badass.

Posant avec finesse chacun de ses personnages et les animant avec art tout en développant une intrigue délicieusement alambiquée, le premier tome était une fascinante mise en bouche… Les dialogues ciselés s’avèrent tout à la fois truculents, plein de vie et truffé d’un humour grinçant, tissant plus que des analogies avec le théâtre… Impossible de résister au rythme entraînant de ce récit choral dont chaque scène développe un arc narratif autour d’une poignée de personnages intrigants et hétéroclites… A l’instar des pièces du « Barde d'Avon », le scénariste n’hésite pas à sacrifier ses personnages pour servir la dramaturgie de cette histoire riche en complots et en faux-semblant.

Anthropomorphisme oblige, la comparaison avec les 5 Terres de Luwelyn et Lereculey semble inévitable, d’autant que les complots y pullulent tout autant que les personnages complexes et nuancés. Mais, aussi excellente et passionnante soit-elle, la magistrale série au long-cours ne fait nullement de l’ombre à cette captivante trilogie, différant tant dans son traitement que dans sa tonalité délicieusement théâtrale qui lui confère une identité narrative puissante alors que les intrigues se révèlent au fil des pages, assurant bien des surprises et des rebondissements aussi violents qu’inattendus au lecteur… L’humour impromptu distillé dans les dialogues ou les situations décalées venant atténuer la noirceur générale de l’intrigue au cordeau née sous la plume d’un Herik Hanna particulièrement inspiré…

Mais, fut-elle excellente, une bonne histoire ne suffit pas pour faire une grande série… Encore fallait-il que la partition soit interprétée par un dessinateur virtuose… Redec est de cette trempe-là ! Son talent explose littéralement dans cette série, tant dans son trait précis et dynamique que dans son découpage fascinant et dans ses cadrages virevoltants qui posent avec force l’atmosphère de chacune des séquences… Ses compositions flamboyantes sont de toutes beauté, sublimées par la colorisation du Lou qui force l’admiration par la façon qu’elle a de baigner chaque scène d’une lumière aussi somptueuse que subtilement travaillée… Et il y a ces pleines pages, simples ou doubles, tout justes hallucinantes et qui offrent de savoureuses respirations à l’histoire quand elles ne prennent pas le lecteur à contre-pied de façon irrésistible, telle l’irrésistible double-page 42 et 43… Et cette couverture puissante où l’on voit l’imposant et menaçant Tigre des Marais tenir dans sa main le crâne d’un lion, éclairé par un brasier incandescent… Elle s’avère être de toute beauté, comme l’était celle du premier tome… Redec a clairement franchi un palier avec ce Royaume sans nom et il fait partie de ces dessinateurs dont nous attendons les prochains albums avec une impatience non feinte…

Après un premier tome remarquable sous tout rapport, Herik Hanna, Redec et Lou poursuivent leur fascinante tragédie shakespearienne anthropomorphique, ce second opus se révélant meilleur encore que le fut le premier… Et ce n’est pas peu dire !

Devenu roi malgré lui malgré son refus de se conformer aux traditions et d’occire son père, le jeune prince doit faire face, le jour même de son couronnement, à une tentative d’assassinat et à l’évasion de son frère aîné qui croupissait dans les geôles depuis quinze années pour avoir tenté de renverser son royal père… Mais celui que l’on surnomme le « faible » à cause de sa frêle apparence fragile et de son comportement indolent, avance masqué et œuvre dans l’ombre à déjouer les nombreux complots visant à déstabiliser le royaume…

Porté par des dialogues théâtraux et percutants non dénués d’humour, un scénario choral riche en rebondissements et remarquablement bien écrit, un dessin flamboyant sublimé par une mise en couleur virtuose signée Lou, ce second opus du Royaume sans Nom se lit avec délectation et s’achève sur une indéniable frustration de devoir patienter pour en lire le dernier acte, que l’on devine dores et déjà sanglant, après un cliffhanger aussi glaçant que vertigineux… Du grand art, assurément !

- Pour l'nstant, c'est encore un territoire hostile, lieutenant. Bien que ce ne soit pas faute de tout faire pour que les choses empirent et tournent mal. Mais bientôt, si tout va bien...
- J'ai du mal à vous suivre, comme souvent... Bien que j'y sois toujours obligé. dialogue entre un capitaine par intérim et son lieutenant