Will Jones vivait une vie rêvée dans un monde aseptisé conduit par deux dirigeant bienveillants ne songeant qu’au bonheur de leur peuple… Mais sa vie bascule lorsqu’il ouvre le livre glissé dans sa poche par une jeune … D’autres suivront, lui ouvrant peu à peu les yeux et le forçant à regarder la société dans laquelle il vit sous un tout autre paradigme …

Bien vite, son comportement déviant est repéré par les autorités et ce n’est autre que son meilleur ami, Nigel, qui est chargé de l’arrêter afin qu’il soit reconditionné… Mais voilà qu’un groupuscule armé organise son évasion… Après lui avoir confié un brouilleur qui neutralise l’implant, Will perçoit le monde tel qu’il est réellement, sinistre et délabré, et non tel qu’on lui a fait croire qu’il était… Mais son escapade sera de courte durée…

Ayant perdu le brouilleur alors qu’il tentait d’échapper à ses poursuivants, il est rapidement rattrapé grâce au traceur qui y est intégré… Contraint et forcé, il va subir un programme de rééducation alors qu’un autre Will Jones le remplace dans son travail…

Rodolphe et Griffo poursuivent leur récit d’anticipation dystopique qui immerge le lecteur dans un monde en apparence idéal… En apparence car à la suite de l’involontaire héros de l’histoire, nous allons rapidement comprendre que la réalité tel que Will Jones la perçoit n’est qu’une illusion savamment alimentée par les autorités qui, en offrant à chaque citoyen de l’élite l’illusion du bonheur, maintien le statuquo…

A travers les différentes séances de rééducation dont il va être victime, le scénariste s’amuse à nous faire perdre nos repères, avec des amorces de récits qui ne sont que des leurres mais qui vont peu à peu pousser Will à réagir et résister aux stimuli, éveillé qu’il a été par les livres qu’il a osé lire, bravant les interdits et l’essence même de son travail… Le 1984 de Georges Orwell ou avec le Fahrenheit 451 de Ray Bradbury mais aussi le fascinant Metropolis de Fritz Lang ne sont jamais loin mais ce n’est pas tant la thématique que son traitement qui s’avère ici captivants…

L’auteur dépeint une société faisant peu cas de son passé, s’appliquant à le lisser pour en estomper les aspérités, une société dans laquelle les liens entre les individus sont évanescents et se délitent à peine esquissés alors que le quotidien des « ayants » est rythmé par des récompenses futiles et illusoires qui font partie intégrante de leur conditionnement… Comme tout bon récit de SF, Utopie pointe avec malice les travers de nos sociétés contemporaines, la vie rêvée que nous vendent les publicitaires et les politiques et qui nous donnent cette cruelle illusion de bonheur, cet ersatz d’existence… et non de vie…

Ce n’est pas la première fois que Griffo s’attache à dépeindre une société dystopique. On se souvient de son saisissant S.O.S. Bonheur dont le premier volet fut signé par Jean Van Hamme et le second par Stephen Desberg. Et l’on retrouve toute sa puissance évocatrice dans ce monde si parfait qui va se lézarder pour révéler une réalité tout autre que celle dans laquelle les virtuels dirigeants souhaitent enfermer les citoyens… Son découpage sert de façon bougrement efficace cette histoire captivante mais glaçante, nous donnant à ressentir les doutes et les questionnements de ce héros malgré lui qui a osé entrouvrir le voile recouvrant la réalité en ouvrant un livre…

Après un premier tome captivant qui posait les bases d’un monde trop parfait pour être honnête Rodolphe poursuit son histoire dont le héros malgré-lui, Will Jones, allait voir sa réalité s’effriter après avoir ouvert, crime d’une extrême gravité, un livre…

Après avoir été arrêté pour déviance par son meilleur ami, Will est délivré par un groupe armé et cagoulé qui lui pose un brouilleur pour neutraliser l’implant… Un monde morne et délabré s’offre alors à son regard, loin de la société idéale dans laquelle il pensait vivre… Bientôt rattrapé par les troupes lancées à sa poursuite, il est soumis à une rééducation alors qu’il est remplacé dans son travail par un autre Will Jones…

On retrouve dans Utopie de nombreux éléments empruntés au 1984 d’Orwell, au Fahrenheit 451 de Bradbury, au Metropolis de Lang, au Passeur de Lawry ou au Meilleur des Mondes de Huxley… Le dessin de Griffo est encore et toujours d’une redoutable efficacité et dépeint avec force cette société idéale qui accorde à l’élite cette illusion de bonheur et d’existence où on lisse le passé et on ne tisse que des liens diffus et évanescents avec ses pairs… un monde individualiste, aseptisé et glaçant, d’où semblent bannis les sentiments et les émotions les plus simples…

Il nous tarde de lire le troisième acte de cette terrifiante dystopie qui dénonce avec force et malice les travers de nos sociétés contemporaines et souligne la puissance des livres…

Le parvis ?! Oui, c’est pourtant bien le parvis Grand’Babe. Mais qu’est-ce qui lui est arrivé ? Les dalle étaient sales et ébréchées, les bâtiments zébrés de suintements et de couleurs noirâtres.Will