


Chaque été, une foule bigarrée et hétérocyste vient prendre possession d’un cimetière, habitant les caveaux et les cryptes comme d’autres vont au camping au bord de la mer… Tous forment une étrange petite communauté, partageant leurs joies et leurs peines et tentant d’accepter l’inacceptable : la disparition d’un parent, d’un proche ou d’un compagnon…
Mais la nouvelle tombe comme un couperet : cet été sera le dernier qu’ils pourront passer au cimetière : ce dernier va fermer ses portes, emportant avec lui les souvenirs, les secrets et les rires des enfants…
Au vu du sujet, on aurait tôt fait de croire que
ce dernier été au cimetière est un récit un brin macabre… Et pourtant…
Dès les premières pages, le cimetière s’anime, reprend vie, avec ces hommes, ces femmes et ces enfants qui y retrouvent leurs habitudes, et se retrouvent, après une année qui s’est écoulée… Dans les allées de ce cimetière, des enfants courent, rigolent, vivent, investissent un caveau inondé pour le transformer en piscine, traquent ce fameux monstre qui, aux dires des adultes, hanteraient ces lieux, se font des amis, parlent de leur vie ou fêtent leur anniversaire…

Les adultes semblent plus sages mais on investit les lieux à leur façon faisant y pousser leurs tomates, cultivant leurs rosiers, s’asseyant sur leurs transats pour échanger leurs souvenirs, confier leurs peurs ou leurs espoirs, installant des douches dans les cryptes pour y bénéficier d’un certain confort…
Pour l’auteur, c’est indéniable : la mort n’est pas la fin de la vie, elle doit en être partie intégrante, les cimetières n’étant là que pour aider les vivants à poursuivre leur chemin, à apaiser leurs peines, à accepter l’inéluctable… La vie, elle, continue, folle et virevoltante… et vient un jour ou les visites au cimetières se font moins nécessaires… Car si les défunts ne sont plus là où ils étaient, ils sont partout où nous sommes, comme l’écrivit Victor Hugo, nous accompagnant, au quotidien, dans les grands et les petits moments de notre vie, dans nos peines et nos joies…
Se déployant sur le premier et le quatrième de couverture, l’illustration donne la mesure des talents de dessinateur de SantaMatita. On y voit de nouveaux vacanciers qui débarquent, les bras chargés de bagage, sous les regards bienveillants d’un autre qui lit nonchalamment à l’entrée d’un caveau, d’un second qui rentre son vélo dans un autre tombeau, d’un un homme occupé à tailler ses magnifiques rosiers, d’un petit couple d’ados ou d’un enfant jouant à la balle tandis que du linge sèche, agité par une douce brise… Ce
Dernier été au cimetière est à notre connaissance son premier album traduit en français et le dessin épuré de l’auteur italien et la douceur de ses couleurs s’avèrent envoûtants par sa capacité à faire poindre l’émotion avec une économie de trait confondante. Bien souvent, ses personnages sont dénués de bouche ou d’yeux mais n’en reste pas moins formidablement expressif, nous donnant à ressentir les émotions de chacun des personnages et chacune de leurs histoires s’avèrent tout simplement bouleversantes dans leur simplicité et leur universalité…

Au vu de la thématique, on pouvait craindre un récit macabre… Il n’en est rien…
Dans cet album, SantaMatita nous dévoile une tranche de vie d’une poignée de familles qui viennent, chaque été, passer leurs vacances dans les cryptes et les caveaux ou reposent un mari, un parent, un ami ou un amour, une façon pour eux de faire le deuil…
S’il parle de la mort, cet album ou un cimetière est transformé en camping l’espace d’un été, respire de vie, avec ces enfants insouciants qui s’emparent de ses allées ombragées pour les transformer en un terrain de jeu, ces ados y vivre leurs premiers émois, ces adultes qui ont aménagé les tombes pour les rendre accueillantes et confortables et qui papotent de leurs joies ou de leurs peines et partagent leurs souvenirs, assis dans un transat… Tout cela nous rappelle que la mort fait partie intégrante de nos vies et qu’à ce titre, les cimetières devrait être un lieu de vie où raisonnent les rires et les pleurs, les joies et les peines…
Le dessin épuré de l’artiste italien nous donne à ressentir les émotions foisonnantes qui animent les chacun des personnages qui tous s’avèrent particulièrement touchants, voir bouleversants… Dernier été au cimetière est un album revigorant, un véritable hymne à la vie, qui continue, malgré tout…
- Et pourquoi tu viens, alors ?
- Pour apprendre à accepter la mort. L’accepter comme une part de ma vie.
- Et ça marche ?
- Pour moi, oui… Pour d’autres, nondialogue entre deux vacancières