Les parents d’Ana l’ont chargé de s’occuper de son frère, Noé… Prétextant d’aller se baigner dans la rivière, elle le traîne aux abords d’une grotte en le baratinant sur les mystères qui s’y trouvent alors qu’elle a prévu d’y retrouver son boyfriend… Tandis qu’il se bécote sans vergogne, Noé se glisse derrière la grille et disparaît dans la grotte…
Ana lui emboîte le pas et s’engouffre dans son sillage, en s’éclairant à la lumière vacillante de son portable… Entraîné dans un boyau glissant, elle fait une chute vertigineuse, amortie par les arbres… et se réveille dans un monde inconnu avant de se lancer à la recherche de son petit frère…
Attirés par des pleurs, elle va rencontrer Vassilissa, une princesse d’une indicible beauté, mais froussarde et particulièrement douillette qui caresse le rêve d’épouser le tsar… Ana lui sauve la vie en enlevant une écharde de rien du tout et Princesse la guide vers la demeure de la sorcière Yaga, seule à même de pouvoir aider la jeune fille à retrouver son petit frère…
Le dessin singulier de Gaël Henry s’adapte avec brio à chacun des récit qu’il met en image. S’il a commencé sa carrière de dessinateur de BD en 2016, ce récit moderne qui nous entraîne au cœur des contes russes n’est que le second dont il assure tout à la fois scénario et dessin…
Soulignons tout d’abord la somptueuse couverture montrant Ana se dissimulant derrière un rocher tandis que Yaga, les bras, le cou et le bâton recouverts d’inquiétants colifichets ésotériques, une ombre dansante dans son sillage, semble avoir deviné sa présence tout en poursuivant sa route… La composition est saisissante et attire indubitablement l’attention du chaland et ce d’autan que la maquette est d’une rare élégance.
La narration s’avère parfaitement maîtrisée et l’auteur nous entraîne avec une facilité désarmante dans cet univers étrange et inquiétant à la suite d’Ana qui va tout faire pour retrouver son frère qui a échappé à sa surveillance pour glisser, tout comme elle, dans un univers aussi surprenant qu’inquiétant, à la façon de l’Alice de Lewis Carroll… Si l’humour émaille le récit au travers de situations impromptues, dues en grande partie à la bêtise saisissante des habitants de ces contrées hostiles et aux dialogues savoureux entre les différents personnages, de nombreuses situations sont quant à elles particulièrement cruelles… Au fil des rencontres et des épreuves qui se dressent sur son parcours, l’héroïne va grandir et mûrir, suivant sans en avoir conscience une sorte de parcours initiatique…
Le récit de Gaël Henry s’avère remarquablement bien construit, avec cette dernière case qui viens cueillir le lecteur telle la dernière pièce d’un puzzle qui en révèle tout son sens… Et là, les jalons savamment et patiemment posés par l’auteur au fil des pages et des péripéties sont comme mis en lumière, balisant à rebours le parcours d’Ana… et donnant la furieuse envie de se replonger dans l’album pour apprécier le talent bluffant du scénariste…
L’aspect faussement enfantin du dessin est l’une des forces du récit, le décalage la douceur du trait et l’insoutenable cruauté de certaine séquence accentuant son efficacité de façon bluffante… L’auteur donne vie à de nombreux personnages empruntés à plusieurs contes russes ou slaves, de Baba Yaga en passant par Alionouchka et Ivanouchka, Ivan Tsarévitch ou Vassilissa-la-très-belle, forçant délicieusement le trait avec cette (demi)poupée irrésistible dans ses interactions avec le loup qui l’a boulotté, ou cette carricature de princesse insupportable de bêtise…
Empruntant motifs et personnages à des contes populaires russes qu’il tord avec virtuosité, Gaël Henry crée un conte cruel aussi fascinant qu’envoûtant qui nous entraîne à des lieues des sentiers battus…
Chargé de la surveillance de son petit frère, Ana l’emmène aux abords d’une grotte mystérieuse où elle retrouve son boyfriend… Tandis qu’ils sont en train de se bécoter furieusement, Noé échappe à sa surveillance et s’enfonce dans la grotte. Sitôt qu’elle s’en rend compte, Ana part à sa recherche mais glisse dans un boyau pentu, faisant une chute vertigineuse et se retrouvant dans un monde étrange où, cherchant son frère, elle allait Vassilissa-la-très-belle qui lui conseille d’aller trouver Yaga, la sorcière…
Le dessin faussement enfantin de l’artiste rentre étrangement en résonnance avec son récit cruel et violent qui ne ménage ni son héroïne ni le lecteur… Le récit est finement orchestré, avec un final ébouriffant qui met en lumière les nombreux jalons plantés par le scénariste au fil des rencontres et des péripéties, nous donnant furieusement envie de relire ce petit chef d’œuvre du neuvième art, qui, malgré ses atours du conte, s’adresse aux adultes et non aux enfants par la cruauté et le mordant de son propos…
- Tu es toujours fâchée ?
- Grmmm… Non.
- Tu es fâchée, je le vois.
- Ah, ça, tu mériterais la médaille de la clairvoyance.
- C’est de l’ironie ?
- J’en ai marre de tous ces cinglés !! Il n’y a personne de normal ici ??
- Si… C’st juste que tu ne les vois pas…dialogue la poupée de Vassilissa et Ana entre
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