Provence, 1970. Depuis la mort de son fils, en Indochine, Antoine n’a plus goût à la vie. Il vit presque en ermite, délaissant les champs de lavande et abandonnant la distillerie familiale qu’il pensait, un jour, lui léguer…
Faisant l’amer constat que son village est en train de mourir, les jeunes partant s’installer à la ville, le maire du village a décidé d’accueillir des réfugiés cambodgiens fuyant l’oppression dans l’idée de redynamiser le village et de fournir la main d’œuvre nécessaire aux travaux des champs… Mais a population est divisée sur l’accueil à leur réserver…
Pour Antoine, il est hors de question d’accueillir chez lui ces étrangers qu’il juge responsable de la mort de son fils. La situation dégénère rapidement entre l’agriculteur et l’élu…
Après s’être attaqué avec son complice Eric Stoffel à l’adaptation de l’œuvre de Marcel Pagnol en BD, Serge Scotto signe un scénario dans cette Provence si chère au romancier et dramaturge…
Dès les premières pages, on entend le chant des cigales et le parler chantant des personnages de Pagnol et ce d’autant que les dialogues s’avèrent truculents à souhait… L’antagonisme entre le maire et le paysan s’avère haut en couleur, ce dernier s’emportant plus souvent qu’il n’en faut, ivre de la douleur d’avoir perdu ce fils qu’il n’avait pas pu, ni même cherché à retenir… Son chagrin ineffable est retranscrit avec force par le scénariste qui met en scène avec un plaisir évident les différents protagonistes du récit qui s’avère, des premiers aux seconds rôles, tout à la fois drôles et touchants d’humanité…
L’auteur fait montre d’une belle maîtrise narrative, avec des flashbacks bien sentis qui mettent en lumière les blessures secrètes des principaux protagonistes… Car s’il souffre, Antoine est encore capable d’ampathie et la rencontre avec un jeune orphelin cambodgien va lui redonner goût à la vie, le temps d’apprendre à se connaître et à s’apprivoiser…
Le dessin délicat de Emmanuel Saint, qui revient à la BD trente-trois ans après son album consacré à l’histoire de Coutance, met en image avec finesse les émotions qui traversent et animent les personnages, leur conférant un aspect délicieusement théâtral pour accentuer l’humour ou l’aspect dramatique de certaines séquences. Rehaussé par ses couleurs chaleureuses et un encrage dynamique, ses compositions s’avèrent convaincantes tandis que son dessin se marie très bien avec le récit touchant Serge Scotto…
A l’heure où l’étranger est pointé du doigt, accusé d’être à l’origine de tous les maux dont souffrent nos sociétés contemporaines, ce nouvel album de Serge Scotto et Emmanuel Saint s’avère des plus salutaires…
Dans la Provence des années 70, un maire va tenter d’enrayer la lente agonie de son village en accueillant une communauté de réfugié cambodgiens… Antoine, dont le fils est mort en Indochine, n’est pas prêt à accepter que des « bridés » débarquent sur ses terres où il vit presque en ermite après avoir abandonné ses chères lavandes et sa distillerie…
Porté par une galerie de personnages iconoclastes et attachants et des dialogues irrésistibles, ce récit de Serge Scotto n’est pas sans évoquer ceux de Pagnol qu’il adapte avec son complice Eric Stoffel… Le dessin généreux et expressif d’Emmanuel Saint met en scène de façon convaincante cette histoire fellgood qui nous rappelle que dans un temps pas si lointain, n’en déplaise à certains, la France était une terre d’accueil…
- Bon… Tu sais, ça va mal au village. Depuis que la distillerie est fermée, Adésias !! Les hommes partent. Tiens, Figure-toi que la mère Simon… C’est-à-dire que le facteur et elle… Hé Hé !… Oui, bon… Bref ! Pour ce qui est du village, j’ai peut-être eu une idée.
- Ô, peuchère ! Toi, une idée ?? Alors là… Ça va vraiment mal !dialogue entre le Maire et Antoine
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