Angleterre, 1960. Si elles restent le plus souvent dans les forêts et les bois, certaines fées, attirées par les lumières des Swinging Sixties ou simplement curieuse de mieux les comprendre, choisissent de quitter leurs refuges pour vivre parmi les humains…
Mais, victimes de racisme et de préjugés, elles sont bien souvent rejetées lorsqu’elles non sont pas victime d’agressions ou de meurtres… D’autant que la poussière de fée dont sont recouvertes leurs ailes fait l’objet d’étranges trafics illicites… C’est pourquoi la plupart d’entre elles préfèrent dissimuler leur véritable nature aux hommes qu’elles côtoient…
Ailé(e)s est un album collectif qui nous entraînent au cœur dans l’Angleterre des sixtes… Sur un concept de Gihef développé de concert avec Christian Lachenal, le collectif d’autrices et d’auteurs nous propose quatre moyens métrages souvent centrés sur un personnage d’une fée ayant décidé de suivre sa propre voie…
Difficile de ne pas songer au fascinant
Carnival Row, série signée René Echevarria et Travis Beacham… Alors que la série se déroulait durant l’ère victorienne, les auteurs ont décidé de placer leur récit dans un contexte tout aussi riche, avec cette société en pleine mutation, avec cette jeunesse qui s’émancipe, bercée aux rythmes de musiques nouvelles sous le regard critique de leurs aînés… Dans ce monde teinté de fantasy qui est esquissé, les fées sont le prétexte pour pointer la peur de l’autre et de sa différence et le racisme qui gangrène nos sociétés modernes… L’atmosphère qui règne sur le roman évoque celle des romans noirs, avec de sombres enquêtes policières qui gravitent autour des fées, se faisant parfois plus intimistes, avec une jeune journaliste découvrant sa véritable nature ou une fée découvrant les lumières de la ville et qui, fascinée par le son du Swinging London, rêve de percer dans le milieu musical… Car si l’homme est un loup pour l’homme, il est plus encore pour les fées, pures et naïves…
Meurtres, trafics, snuffmovies, pauvreté, prostitution et légendes se mêlent de façon délicieusement vertigineuse, brossant un saisissant portrait de l’époque… Pour la petite histoire, ce recueil de nouvelles reprend deux récits de
Fées des sixties publié en janvier et avril 2023, complété par deux autres nouvelles tout aussi passionnantes, le tout formant un tout cohérent, sombre et fascinant… C’est peu dire qu’on aimerait que les auteurs tissent de nouveaux récits se déroulant dans cet univers sombre, cruel et fantastique…
Même si plusieurs dessinateurs et coloriste mettent en scène ces différents récits, il y a néanmoins une certaine unité graphique entre les différentes histoires. Le trait élégant et dynamique semble lorgner du côté du comics et immerge avec force le lecteur dans une Angleterre en plein bouleversement… Soignant particulièrement le décorum, les artistes mettent en scène des personnages très typés, parvenant à retranscrire le caractère décalé et un peu hors du temps que les auteurs prêtent au fées…
Reprenant les deux récits de la série Fées des sixties, Ailé(e)s les prolonge avec deux autres, tout aussi passionnants qui développent l’univers imaginé par Gihef qui voit fée et humains se côtoyer dans l’Angleterre des sixties, époque au moins aussi fascinante que celle de Carnival Row, envoûtante série de René Echevarria et Travis Beacham…
Esquissant un tableau saisissant de l’Angleterre des années 60, mettant en lumière ses faces les plus sombres, de la pauvreté aux trafics en passant par la cruauté, la prostitution, les crimes, le racisme ou le rejet de la contre-culture, un collectif d’auteur et d’artiste tissent des récits sombres et entraînants, lorgnant vers le roman noir… Crainte parce que différentes, les fées sont bien souvent haïes et victimes de rejet de la part des hommes et des femmes, quand elles ne sont pas agressées… voir même assassinées…
Scénaristes et artistes parviennent à retranscrire cette Angleterre en pleine mutation et mettent en scène des personnages convaincants dans des récits policiers sombres et bien ficelés… C’est peu dire qu’on aimerait voir les auteurs développer cet univers riche, cruel et foisonnant !
- Ses ailes… Elles ont été mutilées… Je vois mal un phénomène naturel causer de tels dégâts. Elle est morte sous l’effet de coups violents portés à la tête… C’est bien un meurtre.
- Et alors ? Ce n’est qu’une fée ! Elle a dû avoir un différend avec ses sœurettes, ce n’est pas notre problème ! Ça ne méritait peut-être pas un voyage depuis Londres !
- Chief Inspector Benson, permettez-moi de vous rappeler que, même si les fées ont encore un statut judiciaire flou, la loi est la loi. Le meurtre est puni, et sévèrement, au Royaume-Unis.
.dialogue entre l’Inspecteur en Chef Benson et le Sergent Amar Singh