L’album s’ouvre sur l’île volcanique de Core aux reliefs acérés… Les parents de la petite Sarah s’inquiètent de ne plus la voir et parte à sa recherche. Ils la retrouvent, inconsciente, étendue sur la lande. Lorsqu’elle retrouve les esprits, elle dit avoir poursuivi un lapin et glissé dans un endroit merveilleux où coulaient des rivières rouges aussi étincelantes que le soleil... Se refermant dans son imaginaire et considérée comme folle par les iliens, Sarah est confiée aux bons soins de religieux de la grande ville du continent…

Les années ont succédé aux années… Pilleur de tombes et propriétaire d’une boutique de brocanteur, Asiel apprend que Mary, sa douce amie, est tombée inconsciente au cours d’une balade dans les landes… Le rebouteux de l’île ne trouvant aucun remède à son mal, Asiel décide de gagner à bord de son frêle esquif la ville portuaire d’Horntown, située sur le continent, pour y quérir un docteur… Trouvant une analogie entre le mal dont souffre Mary et celui qui avait affecté leur fille, les parents de Sarah confie son journal intime à Asiel…

Mais, comme s’ils voulaient leur faire payer leur isolement, tous les praticiens refusent de le suivre sur l’île de Core… Tous sauf un alchimiste, apothicaire, astrophysicien et sommelier qui, emportant quelques remèdes et de quoi étudier la faune et la flore de l’île, accepte de le suivre…

[EncartG]un récit mystique et envoûtant porté par un dessin virtuose et des couleurs somptueuses[/EncartG]Avec cette enfant poursuivant un étrange lapin et glissant dans un trou la menant dans un monde féérique, l’amorce du récit n’est pas sans évoquer celle de l’Histoire de Lewis Caroll… Mais la corsetée société victorienne laisse ici place à une société religieuse austère et rigoriste…

Les lieux où se déroule l’histoire tout comme son époque sont incertains et entoure d’emblée d’une aura de mystère ce récit iconoclaste porté par le dessin somptueux et évocateur de Nicolas Bastide dont on connaissait les talents de coloristes et qui s’impose ici en tant qu’auteur complet… Son trait puissant et ses couleurs éminemment subtiles retranscrivent l’atmosphère étrangement lugubre et indéniablement déroutante qui baigne le récit, avec cette petite île réputée maudite aux côtes déchiquetées, et cette grande ville dominée par un ordre religieux inquiétant où l’on apprendra que Sarah vécu quelques temps avant de trouver la mort dans de tragiques circonstances… Les planches de l’album sont de toute beauté tandis que l’encrage épais structure chaque case…

D’étranges maléfices semblent être à l’œuvre et, malgré la religion qui rythme leur quotidien, les habitants d’Horntown semblent n’avoir rien de charitable, si ce n’est une none, sensibles aux malheurs de Sarah et qui lui tendra une main secourable… L’obscurantisme et les superstitions sclérosent l’imaginaire de tous, les visions de Sarah évoquant pour beaucoup le signe du malin… Le scénariste tisse un récit écartelé entre deux époques, l’une se centrant sur le personnage de Sarah, l’autre sur celui d’Asiel, l’un et l’autre étant lié par le malaise de de jeunes femmes aux abords d’un volcan… Le récit de Sarah et son étrange et apaisante vision nous est dévoilé par couche tandis qu’Aliel, tel l’Orphée de l’antiquité, allait devoir plonger au cœur du Magma pour en extirper son Eurydice et s’y perdre, peut-être à jamais… Chargé de symbolisme, le récit semble nous proposer une vision fantasmatique du long et douloureux processus du deuil, que l’on ne peut concevoir avant de l’avoir traversé, influencé ou non par nos croyances et nos convictions, ébranlées et mises à l’épreuve par la disparition des êtres qui nous sont chers…

Ecartelé entre l’Alice aux Pays des Merveilles de Lewis Caroll et le mythe d’Orphée, Magma est le premier album signé par Nicolas Bastide en tant qu’auteur complet…

Dans un monde corseté par la religion, deux jeunes femmes allaient, à des décennies de distance de distance, tomber inconsciente sur l’île de Core, bout de terre volcanique aux reliefs acérés et aux côtes déchiquetées… Après avoir suivi un lapin et glissé dans un gouffre, Sarah a eu d’étrange visions… Se repliant dans son imaginaire, elle fut confiée aux bons soins d’un ordre religieux austère et rigoriste d’Horntown… Des années plus tard, Asiel allait tenter de trouver dans la cité portuaire un médecin susceptible de soigner les maux dont souffre Mary, sa compagne, qui a perdu connaissance au même endroit que Sarah… Mais seul un étrange alchimiste accepte de l’y suivre…

Le dessin somptueux et puissant de Nicolas Bastide distille une atmosphère délicieusement lugubre et met en scène ce récit tous à la fois tortueux, troublant et fascinant qui, se teintant de fantastique et de mysticisme, nous offre des planches de toute beauté et nous livre une vision fantasmatique du processus du deuil, écartelé entre souffrance, espoir et apaisement…

Sur les flancs de ce volcan, on m’a appris à observer tout ce qu’enseigne la nature sauvage : la vie, la mort, la beauté, la peine. Mais personne n’a fait face à ce que j’ai vu !Journal de Sarah