Fiche descriptive Roman Graphique Jean-Christophe Deveney Tommy Redolfi Tommy Redolfi Delcourt 16 octobre 2024 34€95
9782413077152 Chronique Les Météores: Histoires de ceux qui ne font que passer (ré)apprendre à regarder |
Il y a Floyd qui traîne ses cent kilos, aime parler avec ceux qui croisent sa route mais ne s’en souvient plus une fois l’instant passé. Il y a monsieur Philipps, aigri d’être malade qui cherche à provoquer Hollie, l’aide-soignante qui s’occupe de lui… Elle lui préfère Maggie, une vieille dame insomniaque qui a peur de la nuit et se réfugie dans les livres… Il y a Don, pas très heureux dans sa vie de couple et qui s’invente une aventure avec une vendeuse d’Aeki qui lui a pris la main, et Samy, responsable de la sécurité dans ce même magasin qui peste contre le manque de moyen… Dawn, une gamine mal dans sa peau qui s’applique à être désagréable avec tout le monde, même avec Elijah, le fils de Holy, qui lui plait plutôt bien… Sans oublier Gary qui a pris Floyd sous son aile… Et tant d’autres encore… Tout ce petit monde va se croiser et poursuivre sa vie tandis qu’une météorite s’approche dangereusement de la Terre… histoire sans héros ? Les Météores: Histoires de ceux qui ne font que passer est un album singulier et atypique… Par son format à l’italienne tout d’abord, par sa pagination ensuite… Mais surtout par l’écriture sobres et intimiste de Jean-Christophe Deveney qui compose un récit choral bouleversant de justesse en mettant en scène des personnages ordinaires qui s’efforce de tracer leur route tandis qu’une menace grandissante se précise au fil des pages…A travers la vie morne et solitaire d’une poignée d’individus, l’auteur nous pousse à nous interroger sur le sens d’une vie… Nous sommes tous, à notre manière, des genres de météorites, lancés dans la vie sur une trajectoire en grande partie dictée par les aléas de notre naissance et qui s’achemine, inexorablement, vers une fin connue par avance et à laquelle on ne peut échapper… On vit, les uns à côtés des autres, on se croise, on se mélange, parfois… mais connaît-on vraiment ces personnes qui croisent notre route et nous accompagnent un bout de chemin ? Entre la naissance et le tombeau, le sel de la vie est pourtant dans toutes ces télescopages éphémères dont il ne tient qu’à nous d’en changer ces moments anodins en véritables rencontres, ne pas se contenter de se croiser mais échanger et apprendre à se connaître… Le COVID a fait naître chez beaucoup l’espoir de voir le monde changer si tout un chacun parvenait à se recentrer sur les choses qui comptent… A-t-on besoin d’une catastrophe, telle la météorite de l’histoire s’apprêtant à percuter la Terre, pour prendre conscience de ce qui compte vraiment et revenir à l’essentiel… avant qu’il ne soit trop tard… Le scénariste a tissé es personnages qui sonnent juste, avec ces fêlures et ces blessures qui en font des êtres de chair et de sang à même de nous bouleverser par les douleurs qui sont les leurs et qui sont retranscrites avec finesse par des dialogues poignants… Et si leurs vies mises bout à bout peuvent sembler tristes, le scénario s’avère des plus revigorant, faisant renaître l’espoir alors même que tout semble perdu… ou devenir le héros de sa propre vie ? Avec cet album, le scénariste retrouve Tommy Redolfi avec qui il avait signé le singulier Empire Falls Building. Le dessinateur a le talent et l’audace de se renouveler à chacun de ses albums, pour mieux servir l’histoire… Son travail graphique sur ces Météores s’avère tout juste fascinant par son approche de la lumière et de la couleur… Le récit semble plongé dans une semi-obscurité perpétuelle, comme pour faire ressortir la grisaille du quotidien de cette saisissante galerie de personnages… Chaque séquence est mise en couleur avec une palette réduite qui renforce la mélancolie et la monotonie de leur vie où les jours succèdent aux jours. Si les lieux où se déroule l’histoire sont indistincts, de nombreux éléments évoquent la frontière nord des Etats-Unis… et si le ciel semble gris et bas comme dans les chansons de Brel, les personnages sont, chacun à leurs manières de petits soleils qui illuminent la vie, sans forcément en avoir conscience… Et il y a ces traces dans la neige que les personnages laissent derrière eux, témoins touchant et dérisoires de leur passage sur ce petit monde…Après leur singulier Empire Falls Building Jean-Christophe Deveney retrouve Tommy Redolfi pour tisser un récit choral sobre, intimiste et bouleversant de justesse… Alors que les médias parlent en boucle de la météorite qui s’apprête à s’écraser sur la Terre, Hollie, Gary, Floyd, Casey, Charlie et les autres poursuivent leur vie simple, portant chacun leur fardeau, se croisant sans prendre le temps de se rencontrer ou de se soucier les uns des autres. La vie passe, inexorablement, et la fin se rapproche… Le dessin singulier de Tommy Redolfi pose avec art une ambiance saisissante… Sa palette minimaliste et son travail de la lumière accentue tant la mélancolie de l’histoire que la grisaille qui semble être le quotidien de chacun… Alors que le monde semble s’acheminer vers son terme, chacun poursuit sa vie, comme il peut, comme si de rien n’était, avec ses fêlures et ses fragilités… Le scénario de Jean-Christophe Deveney est bouleversant de justesse et nous rappelle que si tout a une fin, il est important de prendre le temps de voir les belles choses, et, comme Floyd, de mettre un peu de poésie dans nos petites vies… Car on a tous un rôle à jouer… Même si, on le sait, le dernier acte sera tragique… Dans la vie, il n’y a pas de personnages principaux et de personnages secondaires. On a tous notre rôle à jouer, tous notre importance.Maggie
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