Restaurateur d’œuvres d’art insomniaque, Guerlain est revenu vivre au Manoir Drosera avec son Nisse, son fils… Voilà des années qu’il n’était pas revenu en ces lieux qu’il aimait tant enfant, aux dires de ses trois sœurs… Mais lui-même n’en conserve qu’un souvenir diffus et évanescent. Guerlain et son fils investissent peu à peu la tentaculaire demeure où son épouse les rejoindra bientôt…

Un jour, il découvre dans une armoire monumentale trois corneilles qui ne semblent plus vouloir quitter le manoir… Il surprend à plusieurs reprises son fils parler seul jusqu’à cette nuit où Nisse s’adresse aux ombres en leur demandant s’il voulait que son père poursuive son histoire… Médusé, Guerlain entend frapper le coup signifiant « Oui »…

Il a beau fouiller le manoir de fond en comble, celui-ci semble désert… Mais bientôt, c’est à son tour d’être sujet à des hallucination, apercevant son fils jouer dans l’immense parc alors qu’il est dans la pièce d’â côté… Le Manoir Drosera serait-il hanté ?

Révélée par son fascinant album Le Jardin, Paris, Gaëlle Geniller revient avec un album somptueux nous entraînant à la lisière du fantastique, où tout s’apprête à basculer, juste après minuit…

Je ne parviens pas à comprendre comment l’autrice s’y prend pour poser avec une infinie délicatesse cette atmosphère de velours et ses décors somptueux où évoluent des personnages tendrement attachants. Très contemplative, sa narration donne à voir autant qu’à ressentir ces mille et une perturbation du réel qui font glisser, peu à peu, le récit vers le fantastique… On retrouve dans l’album la fascination de l’autrice pour les fleurs qui expriment émotions et sentiments ainsi que ses interrogations sur l’acceptation de la différence qui semble être au cœur de chacun de ses récits…

Le manoir qui sert de cadre à l’histoire semble être un personnage à part entière et le lecteur comme ses habitants y perçoivent d’étranges manifestations, des ombres glissantes, des silhouettes fantomatiques, des yeux étincelants qui semblent nous observer dans les ténèbres, sans oublier ces étranges corneilles qui évoquent les intersignes des légendes celtiques…

Si, joliment charpenté, le récit s’avère bouleversant, vous étreignant le cœur alors qu’on s’achemine vers son terme, l’envoûtant dessin de Gaëlle Geniller n’y est certes pas étranger. Son trait, souple et plein d’élégance, est d’une rare sensualité. Il souligne avec art les émotions des personnages pour les faire partager au lecteur avec une facilité désarmante qui n’est sans doute qu’apparente. Le lecteur a ainsi l’étrange impression de lire dans les personnages comme dans un livre ouvert, faisant sienne leurs angoisses ou leurs émerveillements, la tendresse qui les lie, l’amour infini que porte un père à sn fils ou le bonheur de retrouver les bribes d’une enfance oubliée… Les compositions de l’artistes s’avèrent fascinantes, de même que son remarquable travail sur la lumière qui nimbe chaque case d’une atmosphère délicieusement irréelle… Somptueusement édité, à la façon d’un ouvrage du XIXe siècle, l’album est joliment mis en valeur par une couverture fascinante avec cette silhouette entourée de corneilles qui se détache dans l’encadrement d’une porte, avec ces tableaux qui semblent vous scruter de leurs yeux acérés… Elle est à elle seule une invitation à pénétrer dans ce manoir tout à la fois fascinant et inquiétant, pour faire la lumière sur cette énigmatique et très mignoliesque illustration…

Après Les Fleurs de grand frère et Le Jardin, Gaëlle Geniller nous propose un nouvel album intimiste d’une bouleversante beauté…

Après des années, Guerlain revient avec son fils, Nisse, vivre au Manoir Drosera où il a passé une partie de son enfance… En attendant que son épouse vienne le rejoindre, il travaille à la restauration de tableaux et d’ouvres d’art… Mais au fil des jours, d’étranges événements ont lieu dans la demeure labyrinthique… Il y a d’abord ces trois corneilles qui refusent de partir, puis d’étranges bruits suivis de fantomatiques apparitions… Le manoir serait-il hanté ?

Porté par les compositions somptueuses, le trait sensuel et délicat de l’autrice et ses couleurs lumineuses, cette histoire sensible et délicate s’avère être aussi touchante qu’envoûtante… Abordant le thème de la différence et l’enfance oubliée, Minuit Passée montre les saisissant talents d’une autrice qui tisse, au fil de ses albums, une œuvre saisissante…

- J’ai vu Minuit aujourd’hui.
- Minuit ?
- C’est bien ce qui te réveille, non ? Quand tu dis que passé Minuit tu ne peux plus dormir.
- Haha, d’accord. A quoi ressemble Minuit ?
- Il ressemble à toi. Et un peu à moi. C’est plus comme une ombre.dialogue entre Guerlain et Nisse