1975. Alors que son pays, l’Angola, est déchiré par une guerre civile pilotée par les USA et l’URSS sur fond de Guerre Froide, Anica n’a que treize ans lorsqu’elle est enlevée par des soldats du Mouvement de Libération de l’Angola…

Désormais sans famille et sans village, elle est conduite dans un camp d’entraînement où on lui apprendra à devenir un soldat, à coups de brimades et de mauvais traitements. Pour ne pas s’effondrer, elle s’accroche à l’histoire du Kongamato que lui racontait son grand-père, celle d’une créature légendaire qui se mettait au service des guerriers de son village lorsque le malheur frappait…

Elle se souviendra longtemps de sa première mission où on voulait jauger de la docilité des enfants-soldats à exécuter les ordres, sans états d’âme… Malgré les risques encourus, elle allait fuir le camp pour retrouver les siens…

Après un premier opus qui nous entraînait au cœur de la Bataille d’Angleterre et un second qui nous immergeait dans la boue et le sang de la Der des Der, ce troisième opus de Guerres et Dragons nous entraîne en Angola, alors que la Guerre Froide faisait rage et décimait le pays…

Plusieurs fois abordé en bande-dessinée (le Ventre d la Hyène, le Divin, Tamba l'enfant soldat…)), le thème des enfants soldats s’avère encore et toujours bouleversant tant il est insupportable de voir des salopards mettre des armes dans les mains de gamin pour tuer pour servir leur soif de pouvoir. La structure narrative de l’album sert remarquablement le propos, nous immergeant d’emblée dans le sillage d’une gamine qui se sait traquer et qui sait que le moindre signe de faiblesse lui sera fatal… La tension est à son comble dès les premières planches, et le récit nous prend aux tripes alors des flashbacks percutants et efficaces nous donnent peu à peu les clefs pour comprendre ce que fut sa vie…

S’il retranscrit l’horreur de la guerre civile qui déchira l’Angola, le récit n’en reste pas moins une uchronie mêlant à au contexte historique des dragons qui, en ces temps troublés, se lient à des humains pour prendre part au conflit… On perçoit rapidement qu’Anica est liée à l’un d’entre eux et l’on devine qu’il affrontera la créature au sinistre Général Kassembe qui, sous le masque du libérateur de l’Angola, cache une ordure vénale et avide de pouvoir…

S’appuyant sur le solide storyboard de Francesca Follini, le trait réaliste de Paolo Antiga fait ressortir toute la violence qui baigne le récit et allait entraîner Anica… Les couleurs d’Arif Prianto s’avèrent des plus efficaces, tant pour les scènes intimistes, telles celle ou l’ancien conte une histoire, que pour les scènes d’action… Les séquences de combats s’avèrent aussi cinglantes qu’efficace alors que la lutte à mort que se livreront les deux dragons est ébouriffante à souhait…

Nicolas Jarry nous livre un troisième opus de Guerre et Dragons plus sombre que les deux premiers. Alors que le premier opus nous entraînait dans une uchronie de la Bataille d’Angleterre et le second dans le sillage de l’Escadrille Lafayette, ce récit nous entraîne au cœur de l’Angola déchiré par la Guerre Froide à la suite d’une enfant-soldat…

Traquée, Anica sait que la moindre faiblesse lui sera fatale… Tandis qu’elle tente de retrouver les siens, elle guette le dragon qui viendra la dévorer comme il a dévoré ceux qui ont tenté de s’échapper du camp d’entraînement où des soldats du Mouvement de Libération de l’Angola apprennent à des gamins à obéir et à tuer… Seule l’histoire du Kongamato conté par son grand-père et l’espoir de retrouver sa famille l’aide à tenir debout… Mais bientôt, l’ombre d’un dragon obscurcit le ciel…

Porté par une structure narrative solide et pertinente et le dessin puissant de Paolo Antiga, le récit de Nicolas Jarry s’avère bouleversant par le sort réservé à ces enfants soldats lancés dans une guerre fratricide à laquelle ils n’entendent rien et particulièrement entraînant par cette traque impitoyable savamment orchestrée. Série uchronique et fascinant, Guerres & Dragons remplit pour l’heure toutes ses promesses en nous entraînant dans les grands conflits de ce siècle en y incorporant ces créatures légendaires que sont les dragon…

Il fallait se départir de sa pitié et de sa tristesse. Il fallait tuer ceux qu’on te disait de tuer et fermer sa bouche. Il fallait te battre le soir contre les garçons pour te faire respecter et te battre pour manger. Il fallait te battre jusque dans tes rêves et ne jamais pleurer. Parce qui ceux qui pleuraient mouraient toujours les premiers.Anica