C’est l’histoire de Baldrik et Aldor, deux jeunes guerriers férus de batailles et de pillages qui défirent un jour un loup gigantesque et terrifiant. C’est l’histoire de deux amis qui prononcèrent le Serment des Frères Jurés qui les liaient l’un à l’autre jusqu’à leur mort. Mais Baldrik trahit son serment en renonçant à la religion de ses ancêtres pour embrasser celle de la femme qu’il aimait. Se convertissant au christianisme, il quitta les siens… Le crucifié avait gagné un adepte, Aldor perdu son frère…

Lorsque sa femme mourut, Baldrik décida de la rejoindre. Mais avant, il retourna sur les terres où il était né et sur lesquelles Aldor régnait désormais. Au nom de leur ancienne amitié, il lui confia la garde de son fils, Brunr … Le jeune homme allait devenir l’ami et le frère d’Arulf, prince de sang et héritier du royaume… Leur amitié semblait solide et éternelle…

Mais Brunr aima follement et secrètement la fille d’un riche marchand… Celle-là même que le roi allait choisir pour devenir l’épouse de son fils… L’amitié d’Arulf et Brunr sera-t-elle plus forte que celle qui unissait jadis leurs pères ?

La couverture ancre d’emblée le récit dans les saga nordiques, pleines de fureur et de sang… Mais ce ne sont pas les glorieux combats qui seront mis en avant, mais l’amitié entre deux jeunes guerriers et des serments bafoués pour l’amour d’une femme… D’inspiration médiévale, le haut de l’illustration évoque ces légendes contées par les scaldes, avec ces deux guerriers qui font un pacte de sang et dont on devine qu’ils s’aiment et se respectent… Celle du bas nous montre l’amitié naissante entre de jeunes garçons… Des légendes à la vie, l’histoire s’écrit parfois en trempant sa plume dans les larmes et les sang… L’histoire bégaye souvent, comme l’apprendront, pour leur malheur, Brunr et Arulf…

Pour leur premier album, Nicolas Savoye et Simon Beauvarlet De Moismont signent un récit envoûtant, tragique et puissant qui parle d’amour, d’amitié, de serments et de parjures… Il prend place dans les royaumes de Scandinavie alors que l’ancienne religion cédait peu à peu la place au christianisme. Le noir et blanc acéré de Nicolas Savoye nous offrent de somptueux visuels qui nous immergent sur ces terres nordiques habitées par les vikings. Le choix de la période, écartelée entre deux mondes, renforce la dramaturgie de l’histoire, de même que ces planches muettes et contemplatives qui confèrent au récit une respiration saisissante… Le découpage s’avère fascinant, retranscrivant avec art l’atmosphère de chaque scène, du chagrin d’Aldor qui a perdu son ami et frère en passant par le désespoir qui s’empare de Baldrik à la mort de sa femme, la tristesse de Brunr à la mort de sa mère, son trouble lorsqu’il rencontre l’amour où son anéantissement lorsqu’il comprend que sa vie rêvée avec Freydis lui échappe à tout jamais… L’émotion de chacun d’eux est subtilement distillé par les dialogues, les silences et les attitudes savamment étudiées des personnages.

Car le dessinateur prête vie à des personnages captivants, attachants et nuancés, nous montrant avec finesse les amitiés naissantes et l’amour que l’on perçoit dans la façon dont Brunr regarde la belle Freydis dont on devine qu’il est déjà amoureux. Les scénaristes prennent le temps nécessaire pour installer chacun des acteurs de l’histoire afin de rendre plus poignante encore la tragédie qui s’annonce et qui va voir les fils s’inscrire, sans le savoir, dans le sillage creusé par leurs pères pour l’amour d’une femme… Comment Brunr pourra-t-il supporter que la femme qu’il aime devienne l’épouse de son frère pour servir les intérêts de la couronne ? On sent la jalousie naître et grandir, inexorablment, comme un poison… et l’on perçoit se profiler la funeste fin, qu’on devine cinglante et sanglante… On appréciera le travail réalisé par le dessinateur sur la temporalité, son découpage resserré montrant le temps qui passe avec finesse et efficacité…

Premier album de Nicolas Savoye et Simon Beauvarlet De Moismont, Parjure nous entraîne sur les terres vikings pour un récit tragique dont on fait les sagas…

Baldrik et Aldor étaient comme des frères avant que le premier ne trahisse leur serment en renonçant à ses anciennes croyances pour épouser une chrétienne… A la mort de son épouse, il n’avait qu’un désir : la rejoindre dans la mort. Mais avant, il confia son fils, Brunr à celui qui fut jadis son ami et qui est depuis devenu roi… Adopté par le monarque, il allait se lier d’amitié avec Arulf, héritier d’Aldor. Mais un jour, il apprend que la femme qu’il aime est promise à son frère… Leur serment se brisera-t-il comme s’est brisé celui de leurs pères ?

Le dessin en noir et blanc de Nicolas Savoye est impressionnant de maîtrise. L’artiste joue avec art de la temporalité des silences pour servir sa dramaturgie, retranscrivant avec force les sentiments et les émotions qui assaillent les différents protagonistes, de l’amitié à l’amour en passant par le ressenti, la jalousie et la haine… Se situant à une période charnière des royaumes scandinaves qui voit l’ancienne religion reculer devant l’avancée du christianisme, le récit s’avère captivant alors qu’à l’instar d’une tragédie shakespearienne, on sait que le dernier acte sera tragique… Loin de la fureur des combats qu’on associe trop souvent aux vikings, Parjure est un récit médiéval somptueux et solidement charpenté…

Hé ! Au fait, c’est quoi ton nom ?
- Euuh… Brunr.
- Moi, c’est… « Celui dont la colère fait trembler les océans ». Mais bon… Tu peux m’appeler Arulf.dialogue entre Arulf et Brunr