    Le 4 novembre 1980, Ronald Reagan, ancien acteur de western, est élu président des Etats-Unis face à un Jimmy Carter affaibli par la crise des otages américains en Iran.
Amateur de sieste et de grasse matinée, il semble incapable de se concentrer, maîtrise mal ses dossiers mais s’avère être un formidable communiquant, truffant ses interventions de blagues qu’il apprenait méticuleusement et qui le font paraître comme un éminemment sympathique.
Malgré ces apparentes lacunes, Regan est aussi le président qui mit fin à la Guerre Froide… Près de vingt ans après sa disparition, la question se pose encore : était-il vraiment stupide ou jouait-il à l’idiot pour mieux parvenir à ses fins ?
La réélection tonitruante de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis entre en résonnance avec le récit fait par Jean-Yves Le Naour, scénariste et historien spécialisé dans la Première Guerre Mondiale, sur les années Regan… Le slogan « Make America great again » fut d’ailleurs celui de la campagne de Regan avant que Trump ne le reprenne à son propre compte… On retrouve d’ailleurs du Regan dans Trump, de leur maitrise approximative des dossiers à leurs répliques cinglantes, leur humour souvent limite pour esquiver les questions qui dérangent et le fait que rien ne les prédestinait à devenir les leaders de la première puissance mondiale…
 Chantre de la libéralisation économique, Regan s’est, comme Trump après lui, imposé à la primaire de son parti, malgré des cadres qui le considérait trop idiot pour remporter l’élection face à un Carter plus affuté mais carbonisé par l’affaire des otages… L’album est rythmé par des anecdotes édifiantes et qui, dans un film ou une série aurait pari peu crédibles… alors qu’elles sont parfaitement et tragiquement authentiques. D’abord présenté comme un personnage incompétent et pathétique, il devient étrangement attachant, au fil des pages … Tandis qu’il se désintéressait des affaires inférant à la politique intérieure, il allait être servi par la politique internationale avec une Russie en banqueroute qui ne pouvait soutenir durablement l’effort de guerre et les dépenses hallucinantes justifiée par la Guerre Froide…
Son rapport avec Mikhaïl Gorbatchev qui finit par demander à n’avoir affaire aux conseillers de la Maison Blanche pour négocier une pacification des relations USA/URSS plutôt qu’à un président incontrôlable dont il ne savait dire s’il était un imbécile patenté ou un excellent acteur… Leur première rencontre, faite à l’instigation de Gorbatchev, allait pourtant se solder par un cuisant fiasco devant l’intransigeance d’un Regan refusant de renoncer à son projet de bouclier anti-missile au coût faramineux censé protéger les Etats-Unis d’attaque nucléaires… Echec qui n’a fait que refroidir des relations déjà glaciales entre les deux superpuissances, rapprochant un peu plus le monde d’une troisième guerre mondiale…
Le scénariste se garde bien de trancher, laissant au lecteur le soin de se forger sa propre opinion sur la question soulevée par Mikhaïl Gorbatchev : Régan était-il un crétin ou un génie ?
Le dessin de Cedrick Le Bihan est tout juste parfait pour mettre cette histoire en scène. Tantôt réaliste, tantôt cartonnesque, son trait retranscrit avec force l’ambiguïté du personnage qui parait tantôt totalement à côté de la plaque et ne s’intéressant aucunement aux dossiers, abandonnant ce soin à ses conseillers, tantôt (plus ou moins) drôle et sympathique… La mise en couleur nous immerge dans l’Amérique des années 80 et dans la vie de cet acteur devenu envers et contre tous l’homme le plus puissant du monde…
 L’historien et scénariste Jean-Yves Le Naour se propose de nous raconter les deux mandats de Ronald Regan, ancien acteur de western et chantre du libéralisme devenu président de la première puissance mondiale.
Le 4 novembre 1980, Ronald Regan devient le quarantième président des Etats-Unis en remportant l’élection haut la main contre un Jimmy Carter affaibli par la crise des otages américains en Iran. Maîtrisant peu ses dossiers, se désintéressant de la politique intérieure, truffant ses discours et ses interventions de blagues parfois douteuse, il va bénéficier de l’effondrement de l’URSS et entrera dans l’histoire comme le Président ayant mis fin à la Guerre Froide…
A l’instar de Mikhaïl Gorbatchev, le lecteur s’interroge sur ce personnage surprenant dont on ne sait pas s’il est un parfait crétin ou un homme brillant qui cachait bien son jeu… Truffée d’anecdotes ahurissantes mais néanmoins authentiques qui auraient paru peu crédible dans une fiction, le récit s’avère d’autant plus passionnant qu’il est mis en image par un Cedrick Le Bihan très inspiré dont le style oscille entre le réaliste et le cartoonnesque pour souligner l’ambivalence du personnage. Drôle, édifiant mais passionnant, de nombreux traits de personnalité de Regan se retrouvent chez l’actuel présidant des Etats-Unis, de sa maîtrise approximative des dossiers à ses sorties tonitruantes et cet humour qui le rend sympathique aux yeux des foules… D’ailleurs, n’a-t-il pas volé à Regan son fameux « Make America Great Again ? » ?
Avec son titre délicieusement oxymorique, Le crétin qui a gagné la Guerre Froide est un album fascinant qui trouve dans l’actualité de bien étranges et tragiques échos…
- Qui l’eut cru, hein, Gérald ? Alors il parait que tu seras son colistier. Un ticket Regan-Gérald Ford ?
- Pas question ! J’ai été président. Tu me vois dans l’ombre de ce clown ? Tiens, regarde qui arrive. C’est lui qui sera son vice-président je t’en fiche mon billet.
- Bush ? Ce n’est pas idiot, il a besoin d‘un modéré pour donner l’impression d’équilibre.
- Et puis lui au moins, il a un cerveau.- dialogue d’ouverture
|