     Après être mort et revenue à la vie alors qu’il était enfant, Dorian Leith peut voir et communiquer avec les esprits qui n’ont pas encore franchit la Porte de la Mort…
Pour apaiser leurs maux, il s’est fait médecin des âmes mais son don fait de lui un paria pour les habitants de la ville alors que beaucoup souhaitent se débarrasser purement et simplement des fantômes qui les hante, fussent-ils celui de proches qu’ils ont aimé… Méprisé par les uns, rejeté par les autres, Dorian exerce son métier, dévoués aux fantômes qui croisent sa route. Il n’y a guère que Brody, le propriétaire de la librairie du Corbeau Lettré, qui semble apprécier sa présence…
Un jour, une petite fille emportée par la maladie s’empare de la Clef de la Porte des Morts, empêchant les âmes des défunts de la franchir… Ces derniers errent dans la ville, provoquant le courroux des habitants qui vont faire appel aux inquiétants exorcistes pour les éradiquer… Dorian va tenter tant bien que mal de leur venir en aide et de retrouver la clef, même s’il faut pour cela y laisser sa santé et sacrifier son amour pour Brody…

Ce titre fantastique sera pour beaucoup l’occasion de découvrir le travail de Johanna Taylor, autrice américaine férue de fantasy et de magie qui a travaillé pour le jeu de rôle qu’elle pratique semble-t-il avec assiduité…
A travers ce récit qui se pare des atours du conte, l’autrice aborde des thèmes universels, tels le deuil ou l’acceptation de la différence. On retrouve dans l’album un peu de l’esprit d’Oscar Wilde et de son Fantôme de Canterville, avec ces spectres dont beaucoup aspirent à reposer en paix et les liens parfois tortueux qu’ils tissent avec les vivants qui les acceptent où les rejettent comme des abominations… Le prénom du héros évoquant celui du chef d’œuvre du romancier anglais alors que l’homosexualité suggérée du héros entre en résonnance avec celle de Wilde.
 Chacun des personnages s’avère touchant à sa manière, de Brody qui aimerait tant pouvoir aider Dorian à cette grand-mère protectrice bien que défunte en passant par cette petite fille fantomatique rejetée par un père qui a trop souffert, sans oublier cette pharmacienne qui refuse la main tendue par son frère défunt et à qui elle ne pardonne pas d’être parti. Chacun se dévoile par bribe, s’étoffant et se densifiant subtilement au fil du récit, lui conférant toute sa force et son intensité dramatique. A travers le quotidien de Dorian Leith, l’autrice aborde avec douceur les étapes du deuil et l’acceptation de laisser partir ce proche, malgré la peine et la douleur, et le rôle des aidants qui doivent se ménager et penser à s’occuper d’eux avant de pouvoir assister les autres et alléger leur fardeau…
Le dessin généreux de Johanna Taylor donne vie avec une redoutable efficacité à cette poignée de personnages. Son trait expressif retranscrit les émotions qu’ils ressentent, du trouble de Dorian et de Brody, de l’amour de la grand-mère pour ce petit fils, du désarroi de Lucy, petit fantôme terrifié par ce qui se trouve derrière la Porte à ces inquiétants exorciseurs dont le costume évoque celui des médecins qui jadis soignaient la Peste… Résolument moderne, le découpage s’avère aussi pertinent qu’efficace, soulignant avec force le surmenage qui semble guetter le dévoué Dorian qui, en plus de s’efforcer de récupérer la clef de la Porte des Morts, continue ses consultations avec les vivants ou les fantômes qui sollicitent son aide…
 La jeune Johanna Taylor fait montre d’un indéniable talent de conteuse et de dessinatrice avec ce Passeur d’Âme qui nous conte l’histoire d’un jeune homme qui possède le don que beaucoup considèrent comme une malédiction de pouvoir parler avec l’esprit des morts…
Après être revenu à la vie, Dorian Leith avait gagné la capacité de s’entretenir avec l’âme des défunts pour alléger leurs tourments et les emmener à franchir la Porte de la Mort… Son don fait de lui un paria dans la ville où il exerce, d’autant que les revenants vont se faire plus nombreux alors qu’une petite fille récemment décédée a volé la clef de la fameuse porte… Tout en continuant de s’occuper des âmes en peine, Dorian va s’efforcer de retrouver la clef, dût-il y laisser sa santé…
Evoquant l’esprit d’Oscar Wilde et de son Fantôme de Canterville, le récit s’avère d’autant plus passionnant qu’il est porté par des personnages joliment écrits qui se dévoilent au fil des pages. Les liens entre chacun d’eux sont finement dépeints et accentuent la dramaturgie de l’histoire qui nous immerge dans un univers fantastique et aborde avec douceur le deuil de façon et l’acceptation de la différence. Le dessin de l’autrice américaine s’avère tout à la fois sensible et dynamique, avec un subtil travail sur la couleur qui soutient l’action et la dramaturgie de la plus belle des façons… Au final, Le Passeur d’Âme est un album bougrement intéressant qui ravira les amateurs d’histoires de fantômes et des liens qu’ils tissent avec les vivants et rappellera aux jeunes et moins jeunes lecteurs qu’avant de pouvoir aider les autres, il faut savoir prendre soin de soi…
- Vous, là ! Savez-vous ce que vous avez fait ?
- Ah, Œil-de-Mort en personne. Nous avons sauvé cette famille de cette violente apparition qui hantait sa maison. Bref, mission accomplie.
- Vous avez assassiné ce spectre !
- Dorian, on en a déjà parlé. Les Fantômes sont déjà morts. Par pitié, dis-moi que tu en as conscience au moins.dialogue entre Dorian et l’exorciste
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