Trop gros et grand pour voler, le dragon Smergonoal arrive péniblement au Donjon de Hyacinthe de Cavallère. Après d’âpres négociations, il est convenu que s’il ne lui envoie pas sur le champ un magicien, draconiste de surcroît, pour le faire maigrir (car il est hors de question qu’il entame un régime !), il réduira le donjon en tas de pierres fumant et ses habitants en petit tas de cendres (les tas, c’est lui !)…

N’ayant pas de magicien draconiste, Hyacinthe compte demander à Marvin de faire illusion le temps qu’il faudra pour trouver un moyen se débarrasser de son encombrant et vindicatif visiteur… Mais il y a, littéralement, un soucis de taille : Alcibiade a rapetissé Marvin (et accessoirement Hubert) , le seul saurien à pouvoir faire illusion…

Il va donc falloir chercher Marvin, réduit à la taille d’une tête d’épingle, dans un donjon à la propreté douteuse, et ce au plus vite, car le dragon n’est pas de nature très patiente…

Après une trop longue accalmie, c’est sur un rythme endiablé, les Donjon Parade déboulent sur nos étals, pour notre plus grande joie des rôlistes bédéphiles que nous sommes…

On retrouve donc notre donjon préféré dans une bien fâcheuse posture, avec menace de destruction draconnique à la clef… Et la seule personne à pouvoir empêcher ou tout au moins retarder sa destruction est Marvin qui a été le cobaye d’un test d’orthoptie raté mené par le gnomoniste en titre du donjon : Alcibiade… Et, comme vous le savez sans doute, on n’inverse pas impunément la dioptrie de réduction de polarité… Sous peine de voir deux héros réduit à la taille d’une proie pour fourmi rouge affamée… Le lecteur va donc découvrir le donjon sous un angle bougrement original, avec d’interminables couloirs constitués de l’interstices à la propreté plus que douteuse entre les dalles du laboratoire d’Alcibiade… couloirs dans lesquels pullulent des créateurs devant lesquels il ne fait pas trop s’agiter et un assistant lui-même victime de test d’orthoptie il y a quelques lustres et qui a préféré perdre toute notion du temps plutôt que de sombrer dans la folie.

Le scénario est une fois encore totalement décérébré puisque même l’inénarrable Grogro (qu’on l’adore celui-là !) va contribuer à atténuer (un peu) le joyeux chaos qui règne sur le donjon… On y apprendra aussi de fracassantes révélations : l’abus d’alcool, même festif, est (très) dangereux pour l’intégrité du donjon et la santé de ses employés… Mais alors trrrèèèsss dangereux. Genre carrément létal… Qu’y a-t-il de plus dangereux qu’un dragon vindicatif voulant maigrir ? Non, nous ne vous répondrons pas, vous n’avez qu’à lire l’album d’abord…

Willy Ohm rejoint l’aventure Donjon et son trait faussement enfantin mais follement expressif colle parfaitement à la tonalité et à l’atmosphère foutraque de ce Donjon Parade, dixième du nom… Comme tous les dessinateurs s’étant inconsciemment aventuré dans les couloirs du donjon de Cavallère, il semble avoir pris un plaisir oh combien communicatif à donner vie et parfois à trucider nos valeureux monstres. Quant aux couleurs de Walter, elles sont encore et toujours d’une redoutable efficacité

Ce déferlement de Donjon Parade sur les étals ne peut que ravir les aficionados de cet univers déjanté d’inspiration rôlistique né sous les plumes inspirées de deux auteurs à l’imagination débridée qui invitent dans leur univers baroque et foutraque des dessinateurs pour jouer tous ensemble dans leur bac à sable…

Lorsqu’un dragon obèse menace de détruire le donjon si Hyacinthe ne trouve pas un mage draconiste pour le faire instantanément maigrir, le propriétaire pense immédiatement à Marvin qui, en tant que saurien, pourrait un temps faire illusion… Hélas, en voulant leur faire passer un examen ophtalmo, Alcibiade a bêtement inversé la dioptrie de réduction de polarité (oh l’autre, n’importe quoi !) et a réduit Marvin (et au passage Herbert) à l’état de micro-monstre… Il va falloir retrouver Marvin au plus tôt car le dragon n’est pas du genre patient…

Le scénario jubilatoire et décérébré de Joann Sfar et Lewis Trondheim enchaîne sur un rythme effréné les situations les plus improbables… Les dialogues sont comme de coutume irrésistibles et le dessin minimaliste mais follement expressif de Willy Ohm colle aussi parfaitement à l’intrigue que la morve de Grogro au bras d’Horous… En un mot comme en cent : Micro-Héros est à consommer sans aucune modération !

- Pardon, j vais réexpliquer plus simplement.
- J’ai fait des études aussi, Alcibiade.
- Soit ils sont morts, soit ils ont la taille d’une tête d’épingle.
- Voilà.
- Retrouve-les et remets-les à un format qui justifie leur salaire.
- Mais, Gardien…
- Et vite !
- Ça équivaut à chercher une épingle…
- Dans un donjon. File !dialogue entre Alcibiade et le Gardien