    A l’aurore de l’humanité, alors que les hommes n’avaient pas encore domestiqué le feu, le clan est uni pour faire face à l’adversité, deux jeunes gens vont tomber amoureux et se révéler lors de la fête du printemps.
Tandis que les hommes du clan s’efforçaient de rattraper les femmes pour copuler afin assurer l’avenir de la tribu, l’Homme Pâle n’hésite pas à menacer son ami, pour l’empêcher de poser la main sur Petite Rouge pour qui il éprouve un étrange et violent sentiment. Pour cela, il doit être jugé par la tribu. Ce qu’il éprouve pour Petite Rouge et qui menace l’avenir même du clan en allant contre ses traditions basées sur le partage, ne va pas jouer en sa faveur… D’ailleurs, n’a-t-il pas pris tous les risques pour ramener des fleurs à Petite Rouge au lieu de ramener des vivres pour bourrir son clan ?
Lorsque, le condamnant à une mort certaine, la sentence de bannissement est prononcée, Petite Rouge quitte le clan avec lui. Désormais livrés à eux même, ils vont devoir affronter le temps et les bêtes sauvage et combattre leur peur primitive du feu qu’ils pensaient jusqu’alors indomptable…
Cette histoire de Marcel Pagnol était destinée à devenir un film fantastique truffé d’effets spéciaux… Plusieurs fois remis sur l’ouvrage, le film ne se devrait finalement jamais voir le jour…
 Après avoir adapté de nombreuses histoires de Marcel Pagnol en bande-dessinée avec la complicité de Serge Scotto, Eric Stoffel a décidé de s’emparer de ce récit préhistorique pour le transposer dans ce medium qu’il apprécie tant… Et si tout le monde se souvient de son premier amour, l’humanité semble avoir oublié sa première histoire d’amour…
Se déroulant durant les temps préhistorique, l’histoire nous raconte comment deux individualités ont pu se distinguer en s’aimant d’un amour tendre et exclusif, rompant ainsi avec les traditions anciennes où tout, toutes et tous, appartenait à la collectivité, chacun contribuant par ses actions à la survie du clan dans son ensemble. La naissance du sentiment amoureux, le désir de ne plus vivre pour soi ou pour la tribu mais pour un être particulier a sans doute été une révolution qui est venu chambouler des structures sociales bien établies et l’idée de faire de cette première histoire d’amour le scénario d’un film s’avère particulièrement intéressant… A cela s’ajoute la domestication du feu. Terrifiant de par les ravages que pouvait causer un incendie contre lequel l’humanité n’était pas outillée pour lutter, il pouvait être utilisé comme source d’énergie pour chauffer et protéger les foyers et cuire la nourriture… Si l’homme de par ses connaissances tirées de ses explorations passées permet un temps à ce premier couple de l’humanité de survivre, c’est bien la femme qui perçoit l’importance de dompter ce feu et qui donne les moyens à leur couple d’y parvenir… On retrouve dans l’album toute la tendresse que Pagnol portait à chacun de ses personnages et son verbe chantant qui donne tout son relief aux dialogues…
Le trait semi-réaliste de Jack Manini s’avère tout juste parfait pour mettre ce conte préhistorique et poétique en image. Bien que certains soient délicieusement anachroniques, sa faune et sa flore s’avère foisonnants de vie et donnent corps aux temps préhistoriques fantasmés. Ses personnages s’avèrent particulièrement attachants et le dessinateur a fait montre d’inventivité en esquissant les portraits de personnages aux physiques d’hommes et de femmes des cavernes tout en ayant un certain charme justifiant leur attirances réciproque et si iconoclastes. Son travail sur les expressions est remarquable et, à travers les yeux des protagonistes de l’histoire, le feu n’est pas un élément naturel qu’il faut apprendre à maîtriser, mais une créature surnaturelle, terrifiante et implacable…
 Méconnu, ce récit de Marcel Pagnol était à l’origine le scénario d’un film qui ne sera jamais projeté sur grand écran car, malgré plusieurs tentatives, il ne fut jamais tourné… Après avoir adapté avec son complice Serge Scotto de nombreuses œuvres du cinéaste, romancier et dramaturge, Eric Stoffel s’est lancé dans la transposition de cette histoire avec le talentueux et éclectique Jack Manini…
Alors que son existence était toute tournée vers la survie de son clan, l’Homme Pâle sent naître en lui un sentiment puissant et violent que l’on nommera plus tard amour. Mais l’exclusivité de ce dernier présente un danger pour la survie même du clan où tout appartient à la communauté… Pour cela, il sera jugé et condamné. Petite Rouge qui ressent au fond d’elle la même chose pour lui l’accompagnera dans son exil qui les condamnent tous deux à la mort… Mais ils vont s’organiser et survivre, grâce aux connaissances et aux compétences de l’Homme Pâle qu’à l’opiniâtreté de sa compagne qui va le pousser à surmonter ses peurs ancestrales pour domestiquer le feu…
Avec ce conte préhistorique et poétique, Marcel Pagnol revenait aux origines de l’amour et de la maîtrise du feu qui, considéré par beaucoup comme une allégorie de ce sentiment étrange et violent qui emporte et submerge tout mais qui apaise et donne un sens à la vie… Le trait semi-réaliste de Jack Manini dépeint avec force une nature hostile et fascinante et le sentiment naissant entre deux êtres qui vont s’aimer, malgré les conventions, pour devenir, à leur manière, un sorte d’Adam et Eve découvrant l’Eden avec ce sentiment qui nous nous pousse à ne plus vivre que pour nous ou pour la communauté mais pour cet autre qui chamboule notre vie… Le Premier Amour est une fable touchante où l’on retrouve la tendresse infinie que porte Pagnol à chacun de ses personnages, ses dialogues vecteur d’une foule émotions et ses personnages, prêt à bousculer toutes les conventions pour vivre pleinement leurs rêves ou les passions qui les dévorent…
- Chaque fois que je dormais, dans mes rêves, je t’emportais. Mais je ne croyais pas que cette chose défendue pouvait arriver un jour. Et c’est arrivé.
- Mais dis-moi, pourquoi tu as eu cette idée de me choisir ?
- Je ne sais pas.
- Souvent, la nuit, j’ai rêvé que je touchais ta figure avec mes mains. Je l’ai même dit à ma mère. Elle a dit que c’était mal, parce que les femmes n’ont pas le droit de toucher le visage des hommes. Viens ici, j’ai froid.dialogue entre l’Homme Pâle et Petite Rouge
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