Mars 1476. Les armées de Louis XI s’empare de la forteresse de Carlat, place forte du Duc de Nemours pourtant réputée imprenable. Jacques de Nemours, fils de Bernard d'Armagnac, est fait prisonnier.

L’homme fut ami de longue date du roi, partageant avec celui qui n’était alors que Dauphin, une passion commune pour les échecs. Mais cette amitié ne l’a pas empêché de trahir par trois fois son souverain en participant à de nombreux complots…

Ayant trop souffert du désamour paternel, Louis accorde une grande importance à la fidélité et à loyauté et demande au Chancelier Doriol, Charles de Gaucourt et Jean Blosset d’instruire son procès afin de savoir si Jacques de Nemours a agi de sa propre initiative ou a été corrompu par les ennemis de la couronne… Jacques de Nemours sait qu’il joue sa tête dans cette ultime partie d’échec avec le Roi de France…

Si, de par sa volonté d’unifier et de « dilater » le Royaume de France, de diminuer la puissance de ses plus grands féaux, et de moderniser l’Etat, Louis XI fut incontestablement un grand souverain, il reste pour beaucoup un roi cruel et machiavélique, lui valant le surnom d’ « Universelle Aragne », tissant patiemment sa toile et usant des leviers économiques, politiques et militaires avec art… Makyo et Jean-Edouard Gresy se proposent de nous conter son histoire dans ce livre somptueusement édité dans cette élégante collection consacrée aux sombres figures de l’histoire de France…

Force est de reconnaître que le monarque, de par sa complexité et sa légende noire, a tout du personnage de roman. Mal aimé de son royal père contre lequel il s’est rebellé, diplomate retors, fin politicien pour qui un traité n’était que provisoire, il s’assit tardivement sur le trône ou il put, enfin, donner la mesure de son talent. Mais si l’album à la pagination généreuse s’avère aussi captivant, sa structure narrative n’y est pas étrangère…

Plutôt que de nous raconter dans l’ordre chronologique la vie de Louis XI, fils de Charles VII qui put être sacré grâce à l’intervention d’une certaines bergère lorraine, les auteurs ont eu la brillante idée de nous conter sa vie à travers les dires de celui qui fut son ami et qui pourtant le trahit à trois reprise : Jacques d’Armagnac, Duc de Nemours, Comte de la Marche, de Castre et de Pardiac… Ce biais narratif rend le récit passionnant, avec des flashbacks qui, tout en soulignant avec subtilité la relation unissant Louis XI à Nemours en mettant en relief de moments clefs de la vie du monarque, nous esquisse un portrait délicieusement complexe de Louis XI… Roi des jeux et jeux des rois, les échecs qui, comme le suggèrent la couverture, servent de fil rouge au récit, lui confèrent un relief passionnant, des premières parties qui voient l’amitié naître entre le Dauphin et Jacques de Nemours jusqu’à leur ultime partie où se joue littéralement la vie de l’un des joueurs. Les puristes pointeront l’anachronisme de la notation algébrique qui n’est apparue que quelques siècles plus tard… qu’importe ! La tension autour de la partie, symbole de l’ultime confrontation entre les deux hommes, donne un relief savoureux à l’ensemble, avec ce roi qui calcule chaque coup, tissant sa patiemment sa toile pour parvenir à ses fins...

Le dessin puissant de Francesco De Stena immerge le lecteur dans cette époque troublée qui marqua la fin de la guerre de cent ans et la guerre du roi de France contre ses puissants féaux. Ses compositions retranscrivent l’ardeur des sentiments des protagonistes de ce drame historique qui prend sa source dans le désamour de Charles VII pour son fils et dans l’amitié bafouée d’un monarque…

Makyo et Jean-Edouard Gresy s’emparent de Louis XI qui reste pour beaucoup un roi machiavélique et cruel pour en esquisser un portrait sombrement saisissant.

Mars 1476. Réputée imprenable, la forteresse de Carlat vient de tomber et le Duc de Nemours est mis aux arrêts. Louis XI exige qu’on instruise le procès de cet homme qui fut jadis son ami mais qui par trois fois s’est rebellé contre son roi. A-t-il été corrompu par les ennemis de la couronne ou a-t-il trahit de sa propre initiative ? L’issue de ce procès à charge décidera de sa vie ou de sa mort…

Si le dessin puissant de Francesco De Stena nous immerge avec force dans le règne troublé d’un des rois de France à la plus sinistre réputation, le scénario s’avère des plus habiles. Le portrait du roi nous est ainsi esquissé par Jacques d’Armagnac, Duc de Nemours, au fil de ses confidences et des réponses arrachées par les juges puissants juges qui instruisent son procès. Cet artifice narratif confère toute sa force à ce récit historique qui retranscrit avec finesse la rouerie de ce roi qui a modernisé la France et la complexité d’une époque…

L’instruction devra déterminer s’il a agi de sa propre initiative ou, corrompu par ces loups et ces renards qui ont eu désir et intention de faire du Duc de Bourgogne le régent. Et surtout, je veux savoir si Jacques de Nemours a, entre autres vilénies, eu un jour désir de faire mourir son roi. Auquel cas, c’est lui qui mourra.Louis XI