Devant la profusion de sorties, il arrivent qu’on referme trop rapidement une bd, la délaissant pour une autre, plus attendue ou plus attirante, moins enfantine peut-être. Et malgré une bonne critique des lecteurs, je suis complètement passé à côté de cette série. Et, un beau jour, quelqu’un de fort sympathique vous parle de cette série et va même jusqu’à vous prêter les trois albums qui la constitue… Et là, c’est la révélation…
Norbert l’Imaginaire est un petit bijou : une série pleine de poésie, de tendresse, d’ingénieuses trouvailles, et de savoureuses inventions.
Nicolas Vadot et Olivier Guéret, pour leurs premières pas d’auteur de BD, nous ont concocté un univers à part, un monde décalé, inspiré des théories psychanalitiques, un microcosme où va se dérouler une histoire qu’il est difficile de présenter tant elle sort des sentiers battus. Norbert l’Imaginaire est tout simplement une série inclassable. Quel en est le thème? Dire qu’il s’agit d’une histoire d’amour serait à la fois vrai et réducteur. Et pourtant, du coup de foudre à la passion, des premiers doutes à la rupture, de l’espoir à… la fin de la série, on y parle bien d’amour. Rien de bien nouveau sous le soleil me direz-vous ? Que nenni ! Car l’angle de vue de cette histoire somme toute assez banale est des plus originaux : elle est vue de l’intérieur…
Car si vous l’ignoriez, sachez que comme tous être humain, Simon Glonek, le héros de cette histoire, est un vaisseau piloté par un gouvernement. Mais la lutte pour le pouvoir y est acharnée: la Raison (le Capitaine), l’Inconscient (Monsieur I), l’Imaginaire (la fameux Norbert) et le Dépresseur, soutenus ou non par une pléthore de glonekien, se déchirent pour contrôler le vaisseau Glonek et lui faire prendre ce qu’ils estiment être le bon cap. Sous une apparence enfantine teintée de burlesque, les auteurs nous invite à suivre l’itinéraire d’un couple, à exposer subtilement diverses étapes que franchisent ces deux êtres, à décortiquer les pulsions et passions qui nous poussent à agir. L’idée généralissime des auteurs étant d’avoir donné vie à ces différentes parties de nous même, héritées des théories freudienne, d’en avoir fait les acteurs d’une lutte politique pour le pouvoir. Imaginez que Simon Glonek se trouve ne situation de faire un choix crucial pour son avenir. Chacun, Capitaine, Monsieur I, Norbert et le Dépresseur tentera d’imposer aux autres son point de vue, avec les heurts que l’on est en droit d’imaginer! Bref, un joyeux bordel dont les conséquences sont difficilement quantifiables !!!
L’aspect des dessins peut au départ rebuter mais dès les premières pages on se demande quel autre style que celui de Nicolas Vadot aurait pu retranscrire cet univers étrange et fascinant qu’est notre moi profond? D’ailleurs, le dessin déjà bougrement efficace dès le premier tome, s’affine et s’enrichit au fur et à mesure des albums, entrecoupés de scène dans la vraie vie, de coupures de presse nous tenant informé de l’actualité interne de Simon. Le découpage de facture classique est ainsi bouleversé par des trouvailles intéressantes, qui enrichissent ou complètent le récit.
Bourré de référence littéraire et cinématographique, historique et politique, saupoudrée d’un humour très bon ton, les trois tomes se lisent avec délectation. Une BD brillante, unique, fabuleuse… Bref, un pur chef d’oeuvre…