Fiche descriptive Historique Oliver Stone Colin Farrell, Angelina Jolie, Val Kilmer, Anthony Hopkins... 5 Janvier 2005 2h50 Chroniques |
Voilà un film que j’attendais avec impatience. En effet, avec les moyens modernes, on allait enfin pouvoir reconstituer le parcours fantastique de ce jeune homme qui devînt à la force des armes et par son ouverture d’esprit, le plus grand conquérant que la Terre ait jamais porté. Certes, il ne s’agit pas de glorifier un nom coupable de milliers de morts en terre étrangère, mais quand même, on ne peut que rester coit devant la monumentalité de son épopée, au IVème siècle avant notre ère ! Mis à mal, Oliver Stone s’est défendu de la critique en disant que personne n’y comprenait rien. Ouai, d’accord, mais un film distribué dans autant de salles a quand même pour but d’être compris du plus grand nombre, non ? Parce que les pépettes, on ne les lâche pas pour rien quand même. Contrairement à beaucoup, et malgré mes à priori (il est quand même brun de brun ), je trouve que Colin Farell s’en sort plutôt bien, au vu de ce que le réalisateur lui met entre les mains. Dans la scène de Gaugamèles, il fait des efforts pour paraître habité par son personnage. Tout le long du film, il tâchera comme il le peut d’insuffler à son personnage la conviction quasi-hystérique qui le caractérisait peut-être, en même temps qu’un certain abattement que sa lourde charge de souverain lui valait. Il apparaît au final comme un personne fragile, qu’on prendrait presque par la main pour lui expliquer qu’il est un peu fou. On ne comprend pas comment ce jeune homme a pu en faire tant, et en traînant derrière lui tant de mondes. Et pourtant, il l’a fait. Les autres personnages sont encore pires. Philippe II est un poivrot répugnant (l’histoire dit qu’il a surtout admirablement bien préparé le terrain pour son fils) et Olympias une mère possessive amoureuse des serpents (et il n’est pas faux qu’elle en possédait, mais la réduire à cela est caricatural). Ptolémée âgé (Anthony Hopkins), dans un décor de carton-pâte, nous donne l’impression d’un vieux radoteur qui ne va pas tarder à trépasser à trop marcher sur son balcon…Pfff… J’avoue avoir été ravi à l’idée qu’Oliver Stone dise ne pas vouloir mettre de côté les préférences sexuelles d’Alexandre. On allait enfin discuter un peu des tendances câlines des militaires et relativiser l’équation guerrier = force = hétérosexualité. Le réalisateur s’y attelle, mais il oublie de parler d’autre chose. Où plutôt, il oublie de parler de quelque chose. Jared Leto (Héphaïstion, le préféré d’Alexandre) finit par ressembler à une poupée qui a toujours la larme à l’œil. Les ambitions d’Alexandre ne sont pas toujours claires, et pourtant c’est là l’essentiel de son histoire, selon moi : aller au bout du monde pour y rencontrer les dieux eux-mêmes… Les dialogues (j’ai vu le film en VF, alors qui sait ?) semblent tout droit sortis d’une pièce de théâtre de tragédie antique. Fussent-ils cultivés (et ils l’étaient pour la plupart), ces hommes là ne devaient pas s’attarder en phrases grandiloquentes. Mais il y a pire. Le montage est catastrophique, et si vous ne connaissez pas un peu l’histoire du conquérant, vous vous perdrez au gré des scènes qui sautent allègrement les mois, voire les années. On finit par perdre de vue le but d’Alexandre. Quant aux choix cinématographiques, et en tant qu’amateur de l’antiquité, j’avoue ne pas les avoir tous compris. Pas un mot sur la conquête de l’Egypte et la fondation d’Alexandrie. Pas un mot sur Issos, la seule bataille représentée sur une mosaïque et où Alexandre mis en fuite Darius III par une percée suicidaire et inattendue alors qu’il était à un contre deux. Pas un mot non plus sur le siège de Tyr, qui dura plusieurs mois et assurait l’emprise du macédonien sur les côtes du proche-orient. Les moyens humains apparaissent eux aussi limités, car vous n’aurez jamais l’impression que l’armée du conquérant regroupe plusieurs dizaines de milliers de soldats. Un plan montrant l’énormité de l’expédition eut été le bienvenu pour montrer au spectateur la folle prouesse que ce fut de conduire tant de monde jusqu’aux rives du Gange… Bref, ce film ne raconte la vie d’Alexandre que partiellement, en se focalisant davantage sur la deuxième et dernière partie de la vie du personnage, c'est-à-dire sa poussée vers l’Orient. Faut-il y voir un message politique très actuel de la part d’Oliver Stone ? J’ai bien peur également que la réalisation n’eusse été parasitée par les impératifs de la production, puisque deux réalisateurs avaient entamé une course à l’adaptation (Stone et Baz Luhrmann, le réalisateur de « Moulin Rouge »). C’est notre petit Oliver qui la gagna, malheureusement (et malgré son talent avéré auparavant). Alors, que se passa t-il vraiment ? On ne le saura sans doute jamais ; mais ce que l’on constatera en tout cas, c’est que la vie d’Alexandre méritait beaucoup beaucoup mieux que cette vision tronquée et décousue de l’existence du plus conquérant des rêveurs de tous les temps…
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