Les Contes de l’Ankou nous entraînent dans le sillage des récits envoûtants d’Anatole le Braz. Ce grand conteur a su collecter et coucher par écrit contes, chansons et légendes populaires, sauvegardant par la même un patrimoine inestimable. Son ouvrage le plus connu, Légendes de la Mort, s’est attaché à cerner ce personnage énigmatique et inquiétant qu’est l’Ankou. Les voyageurs ayant arpentés les terres de Bretagne savent qu’on le trouve au détour de nombreux monuments et c’est au cœur même des lieux de culte que son squelette armé d’une faux attend patiemment…

Cette trilogie sombre et captivante nous propose de nous lancer à la suite de Guillaume Cadic, un écrivain qui, hanté par la mort de sa femme, a décidé de rencontrer la mort elle même, traquant l’Ankou dans les livres et sur les sentiers de Bretagne, glanant, comme le fit Anatole le Braz ne son temps, de nombreux contes le mettant en scène, lui, ou le peuple des Anaons. LA force de cette trilogie c’est d’avoir su lier avec un talent évidant ces contes à l’aide d’un fil rouge qui se poursuit au fil des tomes pour trouver sa tragique et magnifique conclusion à la fin du troisième opus…

Guillaume Sorel met en scène ce lien avec le talent qu’on lui connaît. Dès les premières pages, son trait nerveux et ses couleurs délicieusement inquiétantes font merveille et souligne le texte torturé qui n’est autre que celui du journal intime de Guillaume Cadic. L’Ankou est dans ce premier tome souvent évoqué mais peu montré. Pourtant, on sent sa présence lourde et pesante planer sur l’album, à la façon du Conte Dracula dans l’œuvre de Bram Stoker. L’introduction du premier tome n’est pas d’ailleurs sans analogie avec le récit épistolaire de l’auteur britannique. (En aparté, un Dracula mis en image par Sorel serait un réel délice !).

Les différents auteurs ayant œuvré sur cette trilogie font montre d’une grande maîtrise tant graphique que scénaristique. L’atmosphère sombre et étouffante est subtilement distillée, tant dans les textes que dans les dessins et les couleurs utilisées.

Le fil rouge, fort bien pensé, achève d’en faire une excellente série. Les amateurs de matière de Bretagne y trouveront sans nuls leurs comptes… Du grand art…