
Ridley Scott (pardon, Sir…) retrouverait-il grâce à nos yeux avec ce film « historique » romançant l’histoire d’un chevalier en terre de croisade sur fond d’amour et de sang ?...
Un mot d’abord sur son acteur principal : Orlando Bloom. Je vous l’avoue, son physique gringalet et sa teinture blonde ratée (ils ont oublié les sourcils) en Legolas ne trouvait pas grâce à mes yeux, comme ses rôles caricaturaux de beau-gosse à mon avis usurpés dans « Troie » ou « Pirates des Caraïbes »…aussi appréhendais-je sérieusement sa performance…
Mais force est de constater qu’avec 10 kg de muscles en plus et une prestation mesurée et propre, il m’a convaincu qu’il avait peut-être un rôle à jouer dans le cinéma hollywoodien s’adressant aussi aux cinéphiles.
L’héroïne, Eva Green (fille de Marlène Jobert, et oui…), que vous avez pu voir dans Arsène Lupin (cocorico !) ne peut guère faire beaucoup mieux avec le rôle qui lui échut. Son charisme remplit un rôle qui aurait pu sonner creux tant ses dialogues sont rares. De splendide, elle deviendra spectrale, presque terne. Jolie composition.
A part ça vous retrouverez Jeremy Irons en gentil colon et David Thewlis (que j'adore) en Hospitalier au rôle malheureusement trop écourté. Le black du quota, une habitude affligeante et discriminatoire à mon avis, passe cette fois à la vitesse d'une flèche d'arbalète...
L’histoire est bien sûr « poncivée », comme tout film grand public « historique » (hum…), de héros manichéens et de situations héroïques –justement – qui soit vous arrachent un cri outré, soit vous tirent la larme de l’œil.
Encore une fois, n’allez chercher aucune historicité de ce côté de l’écran, car Kingdom of Heaven est avant tout un plaidoyer très actuel et très politique (bien que distrayant) sur la situation au Moyen-Orient, que l’on sait catastrophique depuis, il est vrai, bien plus de 2000 ans, avec heureusement des périodes d’accalmie. Malgré cela, sachez tout de même qu'à l'exception du héros, tous les personnages ont réellement existé et n'étaient pas si loin de ce que Scott en a fait (Renaud de Châtillon une brute, Guy de Lusignan un régent peu futé,...).
J’ai apprécié la justesse des portaits des chefs musulmans qui, bien que poncivés eux aussi pour mieux servir le message de Scott, n’en demeurent à mon avis pas loin d’une certaine vérité. Saladin étant une légende médiévale à lui seul, il était temps de lui rendre justice…
Pour le reste, même si les templiers sont vraiment trop cons pour être plausibles (Brendan Gleeson retrouve un rôle similaire à celui de Ménélas dans Troie) et le Roi de Jérusalem (Edward Norton) trop improbable pour avoir existé (lépreux : oui ; gentil à ce point: non), le tout est enlevé et fort bien réalisé. On ne peut que remarquer la maîtrise parfaite de sa caméra par le réalisateur.
La photographie est tout bonnement splendide et même parmi les plus belles de ce qu’il m’a été donné de voir, et pas si récemment que cela.
Quant à la musique, je l’ai acquis par hasard après avoir vu le film…et c’est une merveille, tout simplement. Les mélodies alternent entre héroïsme chevaleresque et fascination orientale, pour une partition médiévale et exotique à la fois qui vous emmènera encore plus loin que le film ne l’aura fait.
Bref, c'est la forme qui fait d'abord la qualité de ce film, et il est bien dommage que le fond n'ait pas été plus nuancé et travaillé...
Au final, vous tenez là une œuvre qui porte indéniablement la patte magistrale de Ridley Scott, qui nous rappelle au bon souvenir de la pleine mesure de son talent de réalisateur, bien plus qu’il ne l’avait fait avec « Gladiator » mais tout de même pas avec la force qu’il nous témoigna autrefois ('Alien', 'Blade Runner' …). Son sujet, à défaut d’être aussi imaginatif qu’il l’a été en d’autres temps, est tout ce qu’il y a de plus libre (notre cher Sir n’a plus besoin de personne pour produire un film) et fortement politique, mais il l’enrobe dans un joli papier d’aventures médiévales qui vous réconciliera à coup sûr avec le romanesque et les rêves d’Orient.