Après la destruction de l’épave du Northampton qui abritait dans ses entrailles les documents à même de l’innocenter, Kimball O’Hara a perdu espoir de laver son honneur. Quant à la guerre qui se prépare entre la Couronne britannique et le Tsar de Russie, elle semble plus que jamais inéluctable.

S’il est prêt à tout pour empêcher ce conflit meurtrier qui s’annonce, Kim pèse peu face à un Némo bien décidé à allumer la mèche d’une guerre dont les grandes puissances qui asservissent les peuples ne pourront sortir qu’affaiblies…

Avec une complicité d’un membre de l’équipage, Jaya et Kim parviennent à s’enfuir du Nautilus à bord d’une capsule de secours tandis que, commandant son puissant Nautilus, le Capitaine Némo s’attaque à une flotte de navires anglais… Récupéré par l’amirauté, Kim échafaude un plan dangereux pour mettre fin aux agissements de Némo : détourner le sous-marin russe du général Ostrov pour attirer le Nautilus dans un piège mortel…

Mais Némo a instillé le doute en lui… Et s’il n’était qu’un simple pion, manipulable et sacrifiable à loisir, entre les mains de la Couronne britannique ?

Sans doute fallait-il un brin d’audace pour s’emparer du mythique personnage de Jules Verne pour écrire une suite à 20.000 lieues sous les mers et à son Île Mystérieuse. Mais Mathieu Mariolle nous a prouvé qu’il a le talent pour se lancer dans pareille aventure et les deux premiers opus de ce triptyque n’ont fait qu’attiser notre enthousiasme… Et ce d’autant qu’il s’est pour l’occasion associé à Guénaël Grabowski, un jeune dessinateur particulièrement doué qui signe ici sa toute première série…

A l’instar des deux premiers tomes, l’Héritage du Capitaine Némo est mené sur un rythme haletant, entraînant le lecteur au cœur de l’océan, dans le sillage du Nautilus lancé dans une croisade sans pitié envers les grandes puissances dont l’inde et les opprimés subissent le joug depuis bien trop longtemps… En montant l’une contre l’autre les puissances russes et britannique, c’est bien le monde qu’il souhaite voire s’embraser pour faire table rase du passé. Si la relation entre Jaya et Kimball s’avère tendue à souhait, celle entre lui et le Capitaine Némo s’avère fascinante tant elle structure le récit. La graine qu’à semé Némo va germer et se développer et Kim va peu à peu comprendre qu’il a sans doute été manipulé par ses supérieurs, son refus d’accepter l’inéluctable, de passer pour le bouc émissaire de toute l’affaire, ayant quelque peu bousculé leurs plans… Et si l’action et l’aventure sont au cœur de ce récit implacable, le scénariste ménage néanmoins des séquences poignantes, telles celle où Némo quitte le Nautilus pour plonger au cœur de l’abîme alors que le Nautilus est en proie aux attaques conjointes des sous-marins russes et des navires britanniques ou celle de l’épilogue qui vient conclure le récit tout en esquissant la nouvelle croisade du Nautilus…

Une fois encore, je suis positivement impressionné par le travail graphique de Guénaël Grabowski. La composition de ses planches fait montre d’une grande maîtrise, de même que son découpage follement dynamique qui renforce la narration et souligne la dramaturgie de chaque séquence de façon saisissante… Jouant avec art avec les ombres et les contrastes, son encrage puissant met joliment en valeur ses personnages charismatiques, à commencer par ce Capitaine Némo, plus déterminé que jamais à accomplir la mission qu’il s’est donnée… Son Nautilus s’avère fascinant, tant son apparence extérieure que ses entrailles et son poste de commandement… Ses planches sont d’autant plus belles et efficaces qu’elles sont mises en lumière par les pinceaux inspirés du talentueux Denis Béchu à qui l’on doit notamment les somptueuses couleurs de Nottingham ou des derniers Princes de la Nuit…

Après deux tomes aussi prometteurs qu’enthousiasmant, c’est peu dire que nous attendions avec impatience ce troisième et dernier chapitre de cette série d’aventure haute en couleur qui remet en scène le Capitaine Némo, mythique personnage né dans les pages de 20.000 Lieues sous les Mers de Jules Verne.

Avec audace et inventivité, Mathieu Mariolle a imaginé un Némo croupissant dans une geôle russe pour qu’il livre à la Russie tsariste les secrets de son Nautilus, avant qu’il ne soit délivré par Kimball O’Haraqui qui a besoin de lui et de son Nautilus pour explorer les fonds marins à la recherche de documents pouvant confirmer son innocence… S’inscrivant dans une veine feuilletonesque, son récit s’avère rythmé et follement entraînant, ménageant toutefois, au cœur de scènes d’action parfaitement chorégraphiée des séquences de pure émotion…

Alors qu’il signe avec ce Nautilus sa première série, Guénaël Grabowski fait montre d’une maîtrise graphique saisissant, avec un encrage puissant, un sens du découpage fascinant et des cadrages d’une redoutable efficacité… Une trilogie d’aventure rythmée et entraînante qui ravira à n’en pas douter les amateurs du genre…

- Jamais je ne prendrai parti pour cette guerre.
- Sauf quand vous comprendrez que vous œuvrez pour le mauvais camp depuis des années. Réfléchissez. Qui vous a mis sur la piste du Nautilus ? Vous me l’avez dit, le Colonel Creighton, votre mentor. Vous n’avez jamais pensé que toute cette histoire n’était qu’une immense manipulation ? Un agent servant de bouc-émissaire prêt à tout pour se sauver et retrouver son fils, capable de retrouver le légendaire Capitaine Némo et d’exhumer son Nautilus. Après tout, les russes possèdent des sous-marins, les anglais auraient bien besoin de mon submersible pour lutter contre eux ! Cette guerre est inévitable et vos ennemis sont mieux armés que vos maîtres. Ce sont eux qui ont coulé le Northampton.
- Vous voulez vous en prendre aux anglais et aux russes, mais dites-moi si c’st uniquement pour l’indépendance ou pour mener à bien votre vengeance égoïste et aveugle ?- dialogue entre Kimball O’Hara et le Capitaine Némo