Cette nouvelle et prometteuse série signée par Mathieu Mariolle et Kyko Duarte nous entraîne dans dans l’âge d’or du cinéma hollywoodien, mais côté coulisses, là où le stras et les paillettes ne parviennent plus à masquer un univers sombre et inquiétant…
Nous sommes en 1946. Un système mafieux noyaute l’industrie du rêve. Pour pouvoir tourner sans soucis, empêcher les grèves du personnel et des techniciens et éviter à la star du film d’avoir un malencontreux accident, Benjamin Siegelbaum (alias Bugsy Siegel, dit le dingue) demande aux metteurs en scène et producteurs de verser leur écot. Mais ce racket à peine déguisé n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de corruption qui gangrène Los Angeles… Ne pouvant compter sur la police locale pour faire tomber l’organisation de Bugsy Siegel, le F.B.I va infiltrer un agent. William Lawford, fils de l’acteur et producteur Peter Lawford va endosser ce rôle en se faisant passer pour un producteur désireux d’investir dans le 7ième art. Ce faisant, il savait qu’il se glissait dans un panier de crabe où le moindre faux pas s’avérait fatal… Mais il ne se doutait pas que sa première journée dans la cité des anges serait entachée d’un meurtre dont il serait le principal suspect. Dès lors, l’inspecteur Meltzer lui c6ollera aux basques comme un vieux chewing-gum, lui mettant entravant sans le savoir sa mission d’infiltration du réseau de Siegel…
Si Bugsy Siegel est aux abois après s’être considérablement endetté pour créer le Flamingo il exerce encore sa sulfureuse influence sur Hollywood. Il ne le sait pas encore, mais il n’a plus que quelques mois à vivre. Le Syndicat va sous peu décider de son exécution… La mission de William Lawford s’annonce des plus difficile, surtout que le sort semble s’acharner pour lui rendre la partie difficile… C’est du moins ce que l’on croit jusqu’à ce que le cliffhanger qui clos l’album ne remette toute l’histoire dans une toute autre perspective…
Truffé de références, le scénario concocté par Mathieu Mariolle est d’une efficacité redoutable. S’appuyant sur des personnages ayant réellement existé (à commencer par Bugsy Siegel qui bâtit le célèbre Flamingo), le tableau qu’il brosse de l’univers d’Hollywood est particulièrement saisissant. On y croise ou on y évoque des figures montantes du septième art, des starlettes et des stars de renommée internationales mais aussi des mafieux de haut vol. Formidablement bien documenté, ce thriller possède tous les ingrédients du polar dont il empreinte les code. La collusion entre la mafia et le milieu du cinéma qu’il décrit fait froid dans le dos.
C’est peu dire que le dessin de Kyko Duarte n’a cessé de progresser depuis
De sang froid. Son trait s’est affiné et son encrage considérablement affiné. La couverture est un petit bijou qui évoque les affiches des films des années 40 et rend hommage à l’âge d’or du cinéma. Puisant son inspiration dans les comics américain, ses cadrages, très cinématographiques (pouvait-il en être autrement avec une telle thématique) s’avèrent diablement efficaces. Son encrage épais et la colorisation discrète mais efficace de Claudia Boccato ancre le récit dans son époque de façon convaincante.
Bien documenté et solidement charpenté, le premier tome de ce qui est annoncé comme un diptyque remplit toutes ses promesses. Le rêve américain masque mal le mal qui gangrène Hollywood, laissant apparaître un décor inquiétant… Max, l’un des protagonistes résume en une phrase sentencieuse le climat qui règne alors : « Hollywood et la Mafia sont dans le même bisness, ils offrent aux gens ce qu’ils veulent: de l’évasion grâce à de belles images clignotantes ou l’oubli, par des drogues, du sexe ou des paris. » Cynique, sans nuls doutes, mais froidement réaliste…