Pour tout amateur du neuvième art et de polar, Ed. Brubaker et Sean Phillips sont des références tant leur série Criminal s’avère un modèle du genre.
Publié cette automne chez Delcourt dans la collection Contrebande, Scène de crime date de 1999 et s’avère être leur première collaboration. Le scénario de Brubaker y est déjà virtuose et cet album, qui regroupe les quatre numéros originel est un vibrant hommage au polar hardboiled dont il explore les codes avec délectation et un évident talent. Côté dessin, si Sean Philipps participe à l’encrage, c’est Michael Lark qui met en scène cette histoire avec un trait nerveux et affuté et des cadrages percutants diablement efficaces.

Jack Herriman est le personnage principal et le narrateur de ce récit sombre et violent principalement urbain, polar hardboiled oblige. Il est le détective solitaire devenu cynique à force de côtoyer les cadavres et les désillusions. Son père était flic. Jack avait dix ans lorsqu’il est mort dans l’explosion de sa voiture. La notoriété de son oncle, qui n’est autre que LE Knut Herriman, célèbre photographe de presse et de scènes de crime, lui ouvre bien des portes… Jack tente de refaire surface après une affaire et une vie qui partent en vrille, aussi accepte-t-il sans sourciller une banale affaire de disparition. Ce faisant, il va mettre les pieds dans une bien sale affaire où mensonges et secrets inavouables frayent en eaux troubles…

L’écriture directe et dépouillée de Brubaker était déjà redoutablement efficace. Ses dialogues ciselés et ses récitatifs portent ce récit de façon magistrale. Ses personnages prennent rapidement le pas sur l’enquête elle-même. Jack, son détective, cabossé par la vie, va prendre des coups et en rendre certains, dans cette enquête qui prend racine dans un passé bien enfoui sous un tombereau de demi-vérités, de secrets de famille et de faux semblants. La narration, qui fait la part belle aux flashback, est d’une remarquable fluidité et sa façon de distiller peu à peu des informations sur les différents protagonistes de l’intrigue fait montre de sa grande maîtrise du récit. Sa galerie de personnage est particulièrement savoureuse, à commencer par cet oncle photographe de scène de crimes dont les clichés ont une portée artistique.

Ecrit alors qu’ Ed. Brubake n’était pas encore l’auteur renommé qu’il est aujourd’hui, Scène de crime n’en est pas moins un polar magistral, sombre et torturé où l’on trouve tous les éléments qui feront la force et la puissance des Criminals… Un polar hardboiled incontournable qui ravira les amateurs du genre…