Malgré les violences et le sang, la Révolution Russe conserve cette dimension romantique qui permet aux écrivains, cinéastes et scénaristes d’y tisser des histoires nécessairement tragiques.
1917. Au milieu du tumulte révolutionnaire qui secoue Petrograd, Ania et Volodia vont se rencontrer et s’aimer. Mais si tous deux partagent les idées de la révolution à venir, tout les sépare pourtant. Lui est un simple cosaque sorti du rang. Elle est la princesse Anastasia Romanova, la fille du Tsar de toutes les Russies. Pour leur malheur, leur route va croiser celle de Joseph Vissarionovitch Djougachvili, un militant trouble qui sent tourner le vent de l’histoire et n’hésitera pas à trahir ses anciens alliés pour servir ses propres intérêts…
C’est le dessin incroyable de Mayalen Goust qui exerce d’emblée un formidable pouvoir d’attraction. Passé la couverture, superbe et inquiétante, avec ce personnage dont l’ombre menaçante plane sur la révolution naissante, c’est chacune des planches qui nous envoûte. Le trait élégant tirant vers l’épure qui laisse parfois apparaître le crayonné, ses personnages et ses décors, parfois juste esquissés, confèrent à l’ensemble une puissance graphique saisissante. La mise en couleur est elle aussi somptueuse, opposant à chaque planche les rouges et les blancs dans une lutte à mort évoquant celle que vont se livrer les partisans du Tsar et les révolutionnaires. Venue de l’illustration jeunesse avant de mettre en image
les Colombes du Roi Soeil (adaptation des romans de Anne-Marie Desplat-Duc réalisée par Roger Seiter), le talent de Mayalen Goust explose littéralement avec cet album de toute beauté…
Jean-Baptiste Dusséaux (qui signe son premier album) et Benoît Abtey (à qui l’on doit le scénario de l’enthousiasmant
Arsène Lupin - Les origines écrit avec Pierre Deschodt et mis en image par Christophe Gaultier) signe un scénario dense, captivant et éminemment romanesque qui nous entraîne dans le tourbillon de la révolution avec une histoire d’amour tragique qui sera emporté par la tumulte révolutionnaire.
Mêlant personnages historiques et fictifs avec une redoutable efficacité, les deux auteurs parviennent à poser le contexte tout en déroulant un récit captivant. Le jeune Staline, dépeint en opportuniste glaçant, est l’un des acteurs principaux du drame qui va se jouer. Il confère au récit cette part d’ombres et de ténèbres qui transforment un drame historique en tragédie shakespearienne.
Le récit s’avère tout à la fois envoûtant, rythmé et entraînant, atteignant une intensité dramatique saisissante avec le clifhanger qui clôture le récit et qu’on sentait venir, tel un frisson d’horreur qui vous parcourt l’échine…
Porté par le dessin, sublime, de Mayalen Goust, ce premier tome de Kamarades est une délicieuse surprise qui ravira les amateurs de récit romanesques et historiques. Ce premier tome ne ménage que peu de temps mort alors que le vent de l’histoire s’apprête à balayer la dynastie des Romanov. Les auteurs nous invitent à voir la révolution russe au travers des yeux de deux amants que tout oppose… alors qu’en coulisses, Staline, en marionnettiste machiavélique, tire les ficelles…