Benjamin Lacombe fait partie de ces illustrateurs qui vous entraînent dans des mondes merveilleux à l’aide de leurs pinceaux. Chacun de ses albums est un enchantement et sa rencontre entre son univers graphique et celui d’Alice de Lewis Carroll paraît d’emblée comme une évidence…
Alors qu’elle s’ennuyait à lire un livre sans images ni dialogues, Alice voit passer devant elle un lapin en redingote portant une énorme montre à gousset. Intrigué par ce lapin eu commun, elle le suit dans son terrier et, après une chute vertigineuse qui lui semble sans fin, elle pénètre dans un monde où semblent régner l’absurde et le non-sens…
L’illustrateur s’est emparé de l’œuvre baroque et iconoclaste de Lewis Caroll pour livrer un album sublime dans lequel il joue à surprendre et déstabiliser le lecteur, reléguant au second plan l’œuvre trop lisse de Disney pour s’intéresser au récit originel empli de clair-obscur, de non-sens, de merveilleux et de cauchemars.
Il accentue la délicieuse et dérangeante ambiguïté des personnages du roman aux caractères changeants. Sa vision d’Alice, petite fille modèle de la bourgeoisie victorienne, s’avère particulièrement convaincante, tant dans son apparence que dans ses attitudes. Il met en scène avec délice cette petite fille candide, courageuse, curieuse et insolente qui se perd et se cherche, au fil de ses transformations et de son exploration de ce monde cruel et incongru dans lequel elle est tombée. Du haut de ses 150 ans, elle n’en reste pas moins éternellement coincée entre l’enfance et l’adolescence, comme l’originale qui a tant troublé Lewis Caroll.
Mélangeant les techniques, il donne au lecteur une vision saisissantes des péripéties que vit Alice de l’autre côté du miroir. On peut y admirer de véritables tableaux succédant à d’élégants cabochons et des jeux de rabats qui rendent la lecture de l’album particulièrement ludique. Le texte lui-même subit d’étranges transformations typographiques faisant de l’album un livre fluctuant changeant de forme et de taille au grès des rencontres et des aventures vécues par la jeune Alice…
L’album, somptueux, est complété par une préface captivante et les lettres échangés par Charles Dogson et Alice, une façon saisissante de s’enfoncer plus loin encore dans le Pays aux Merveilles…
150 années après que Charles Lutwidge Dodgson ait publié sous un pseudo son Alice au Pays des Merveilles qui allait devenir un classique de la littérature, Benjamin Lacombe s’empare du roman pour en livrer une version sublime et toute personnelle.
L’album, superbement édité et tout juste sublime, est une pépite de plus à ajouter à la superbe collection Métamorphose qui permet aux auteurs de laisser libre court à leur talent pour mettre en images des univers personnels et foisonnant d’inventivité…