Quelle excellente idée que celle d’Akiléos que de proposer une version intégrale au format comics des trois premiers albums d’Anita Bomba, une série joyeusement barrée et pour le moins explosive crée par Éric Gratien et Cromwell au milieu des années 90…
Près d’un quart de siècle après le début de ses aventures, la narration audacieuse et nerveuse d’Eric Gratien, le dessin formidablement énergique de Cromwell, l’incroyable galerie de personnages tous plus azimutés les uns que les autres nous embarquent avec une facilité désarmante dans un univers joyeusement barré, un futur dystopique plongé dans une guerre perpétuelle…
Difficile de ne pas être littéralement happé par ce récit feuilletonesque découpé en épisodes courts de quatre pages à peine, présenté comme le journal intime d’une héroïne décapante, impulsive, rebelle à toute forme d’autorité qui manie les explosifs et les répliques cinglantes comme d’autres respirent... Pour elle, il n’est pas de problème qui ne se règle par une belle et fracassante explosion…
Éric Gratien semble avoir lâché la bride à son imagination pour tisser cette histoire épique, sombre, drôle et décalé de chasse au trésor improbable. Dans un monde sombre, qu’on imagine gangréné par la pollution, la guerre et la corruption, chacun des personnages auquel il donne vie, des premiers rôles aux quatrième couteaux, est un petit bijou d’inventivité…
Sig-14, robot totalement schizophrène changeant de personnalité aux grés de leurs pérégrinations s’avère totalement irrésistible, tant pour ses répliques hallucinées que par le délicieux décalage que ce personnage incongru introduit… Mais chacun des Personnages mériterait qu’on lui consacre un chapitre, de l’énigmatique Mentor au lieutenant Bottle aussi inquiétant que pathétique…
Graphiquement, les planches de Cromwell sont à l’unisson de l’univers sombre et joyeusement déjanté concocté par son complice Éric Gratien. Mieux, son trait nerveux et explosif est une véritable claque graphique. Il se dégage de chaque case une formidable énergie et une fois commencé, il est impossible de lâcher le bouquin tant on est happé par cette intrigue débridée et ses mille et une digressions impromptue…
Même vingt ans après, Anita Bomba n’a pas pris une ride… Nous, si bien sûr… Mais la lecture de cette intégrale fort joliment édité est une véritable cure de jouvence qui nous fait aborder à nouveau aux rivages de l’adolescence…
Rares sont les séries qu’on peut relire vingt ans après avec un plaisir aussi jubilatoire, retrouvant absolument tout ce qui nous avait fait triper à l’époque : cette héroïne anarchiste iconoclaste, ce monde sombre mais joyeusement barré, cet humour noir et corrosif, cet improbable robot schizophrène, cette atmosphère épatante distillée par l’incroyable dessin de Cromwell, le scénario feuilletonesque tout juste incroyable d’Éric Gratien...
Alors on vous le dit en un mot comme en cent : que vous ayez été fou amoureux de cette belle emmerdeuse lorsque vous subissiez vos premières poussées d’acné ou que vous n’ayez jamais croisé sa route, plongez-vous sans attendre dans la lecture de cette intégrale… c’est de la bombe!