



Hernán Migoya et Bartolomé Seguí associent leur talent pour adapter l’œuvre du journaliste et romancier catalan Manuel Vázquez Montalbán et mettre en scène son Pepe Carvalho que certains ont pu découvrir sur Arte…
Entre deux repas de gourmets, Pepe Carvalho est engagé pour enquêter sur l’identité du cadavre retrouvé échoué sur une plage des environs de Barcelone… Son séjour dans l’eau a rendu l’homme méconnaissable et le seul indice est un tatouage sibyllin: « Né pour révolutionner l’enfer ».
L’enquête mènera le détective barcelonais aux canaux et quartiers interlopes d’Amsterdam pour démêler les fils d’un écheveau qui trouvera sa conclusion là où tout a commencé…
Adapter en BD les enquêtes de Pepe Carvalho était indéniablement une gageure dont Hernán Migoya et Bartolomé Seguí se tirent avec les honneurs… Car l’enquêteur créé par le talentueux Manuel Vázquez Montalbán s’avère pour le moins atypique et difficile à saisir. Après une vie militante tumultueuse, Pepe Carvalho s’est installé comme détective privée dans la ville de Barcelone.

Epicurien amateur de bonne chair prêt à sacrifier un Rembrandt pour un bon plat accompagné d’un grand cru, il allume sa cheminée en sacrifiant l’un des nombreux livres encombrant sa bibliothèque et traîne son cynisme dans les ruelles de Barcelone, côtoyant une foule interlope de personnage truculents et hautement picaresques évoluant dans diverses couches sociales…
Le scénario s’avère exigeant mais solidement charpenté, avec une intrigue qui se révèle par petite touche dans toute sa complexité, avec comme bande-son la tragique et langoureuse chanson populaire de Rafael de Leon qui vient rythmer le récit…
Bartolomé Seguí, dont on a pu apprécier le travail dans
Les mains obscures de l'oubli et
Les Racines du Chaos, séries scénarisés par Felipe H.Cava et édités par Dargaud, signe un album particulièrement convaincants. Son trait élégant nous entraîne dans la Barcelone colorée et pétillante de vie du roman et met en scène un Pepe Carvalho saisissant, délicieusement cynique et désabusé. Sa mise en couleur subtilement saturée ancre le récit dans son époque de façon magistrale et contribue grandement au plaisir que l’on à lire cette première enquête… Il y fait même apparaître avec malice le romancier sur la couverture de l’album…
Avec Tatouage, Hernán Migoya et Bartolomé Seguí signent une adaptation remarquable du roman de Manuel Vázquez Montalbán dont il ont su conserver l’esprit et le verbe si particulier à travers des récitatifs ciselés…
Comme bien souvent dans les polars, le récit est porté par la personnalité atypique de l’enquêteur et fait la part belle à la ville qui lui sert de cadre, cette Barcelone écartelée entre traditions et modernité…
Au vu du plaisir que nous avons eu à lire cet album, il est difficile de comprendre pourquoi le personnage de Pepe Carvalho, qui avait déjà eu les honneurs du cinéma et de la télé, n’ait pas plus tôt inspiré des auteurs de bande-dessinée… C’est chose faite… et très bien faite!
Ici mon estomac oublira le cauchemard de mon pseudo repas turc… mmm… retiens-toi d’extérioriser ton plaisir, Pepe, sinon le pourboire s’en ressentira…Pepe Carvalho