Lorsqu’il débarque au japon, Joseph, né Yusuf, est l’esclave noir d’un prêtre jésuite italien chargé de visiter les établissements de son ordre en Asie… Sa stature, sa présence et sa peau couleur d’ébène attire l’attention d’Oda Nobunaga, ambitieux fils d’un daimyo… Et si le jésuite n’est pas vendeur, l’homme sait se montrer persuasif et rachète l’esclave. Il le place sur la tutelle de Mariko qui sera sa tutrice et lui apprendra le japonais ainsi que les us et les coutumes locales…

Rebaptisé Kurusan, il se montre un élève attentif et doué… Une nuit, il sauve la vie de son maître qui décide de le confier à Goro Mitsui pour qu’il entreprenne son apprentissage de l’art du sabre et devienne un guerrier accompli… Il fera mieux : il deviendra samuraï…

Kurusan et d’Oda Nobunaga n’était pas emmené à se rencontrer. L’un est né en Afrique avant d’être arraché à sa terre natale par des marchands d’esclaves. L’autre est le fils d’un seigneur de guerre mineur qui conquerra une grande partie du Japon… On peut difficilement faire plus diamétralement opposé tant géographiquement qu’en matière de statut social… Dans un roman, leur rencontre aurait paru pour le moins incongrue et, somme toute, assez peu crédible… Mais la vie est bien souvent plus surprenante que la fiction… Puisque les évènements relatés dans l’album sont bel et bien inspirés de faits historiques, documentés et incontestable… Même si Thierry Gloris s’en est emparé pour tisser une fiction passionnante où deux mondes et deux cultures se rencontrent pour forger le destin de celui qui devint non seulement le premier samuraï noir de l’histoire du Japon mais aussi le premier samouraï non japonais…

Mais le scénario de ce premier opus ne se contente pas d’esquisser le portrait de ce personnage iconoclaste : il l’inscrit dans son temps. Passionné d’histoire, le scénariste prend le temps de poser le décor, faisant ressortir l’instabilité politique qui régnait alors dans un Japon en pleine mutation qui s’unifie peu à peu sous la houlette d’un seigneur de guerre aussi chanceux qu’ambitieux…

Après Champs d'honneur et Waterloo 1911, le talentueux dessinateur italien retrouve Thierry Gloris pour une nouvelle série historique… Montrant Kurusan coiffant le kabuto des samuraïs, la couverture est certes joliment composée mais ne rend peut-être pas justice au saisissant travail graphique réalisé par Emiliano Zarcone sur les planches de l’album. Sublimé par les couleurs délicates de Bruno Tatti qui soigne ses jeux de lumière, son trait élégant est doté d’une forte personnalité et esquisse les contours d’un Japon médiéval particulièrement crédible. Son encrage s’avère des plus subtils et son découpage précis et bougrement efficace porte avec force ce récit solidement charpenté…

Dans un Japon en pleine mutation, histoire et légendes se mêlent… Parmi les grandes figures de l’époque : Kurusan (« Monsieur Noir » en japonais), ancien esclave qui deviendra le premier samouraï noir de l’histoire du Japon…

Passionné d’histoire, Thierry Gloris s’empare de ce personnage méconnu… Rencontré dans un roman ou un film, son histoire nous aurait semblé peu crédible. Mais le scénariste tisse un récit fictionnel et solidement documenté en tous points captivant… Il parvient à trouver le parfait équilibre entre la narration de son destin peu commun et le cadre historique qu’il pose avec précision, donnant un aperçu saisissant de la complexité du Japon médiéval du XVIe siècle...
Pour mettre en image son récit captivant, le scénariste fait une nouvelle fois appel au talentueux Emiliano Zarcone dont le trait, alliant force et élégance, sert remarquablement bien le propos…

Kurusan, le samuraï noir passionnera les amateurs d’histoire en général et du Japon médiéval en particulier…

- Prends cette croix en souvenir de moi, Joseph. A partir de cet instant, tu change de maître. J’espère que tu satisferas pleinement aux attentes du seigneur Oda. Les voix du Seigneur sont impénétrables… N’as-tu rien à me dire, Joseph ?!
- Non. Le bétail ne commente pas sa vente.
- Comment ?!
- Tu n’es déjà qu’un souvenir Alessandro Valignano. Ma vie est comme l’eau, toujours en mouvement.
- Soit ! C’est de bonne guerre. Que Dieu te garde, Joseph.
- Mon nom est Yusuf, prêtre. De la tribu des Makias ! Et en ces lieux… Ton dieu chrétien n’a aucun pouvoir !
dialogue entre Yusuf et Alessandro Valignano