








Dans
Virtù - L'Art de Gouverner, les joueurs incarnent des Princes de la Renaissance désireux d’accroitre leur prestige et d’être reconnu comme Maître de l’Italie.

Règles et matériel

Sublissime ! La boîte est de celle qui accroche le regard du chaland avec cette illustration somptueuse et stylisée retranscrivant avec art la tension qui régnait alors entre les grandes familles qui se partageaient l’Italie. L’aspect satiné de la boîte n’enlève rien aux charmes du jeu, bien au contraire… Certes, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse (ludique) mais la boîte est indéniablement des plus réussies…
Le matériel s’avère à la hauteur de son emballage, même si, adepte des thermoformages ciselés, on regrette son absence, remplacé par une foultitude de sachets zippables… Tuiles, meeples, plateaux et cartes sont du plus bel effet et raviront les joueurs les plus blasés. Les Palais (plateaux individuels) s’avèrent élégants et parfaitement ergonomiques mais j’entends déjà les esprits chagrins pester qu’il ne soit pas en carton rigide mais souple. L’iconographie n’en reste pas moins fort bien pensée alors que le plateau principal, s’il s’avère des plus réussis, aurait gagné à être plus grand pour disposer les nombreux pions et marqueurs représentant les luttes d’influence qui déchiraient alors l’Italie…
Bref, si ce n’est l’absence de thermoformage sus-citée, le matériel, rehaussé de magnifiques illustrations d’Alena Stepanova, Fabrice Weiss, Svetlana Pikul et R. Gewska, est tout juste parfait…

Venons-en à présent au livret de règles… Aux livrets devrait-on dire puisqu’il en existe deux : l’un
l’Art de gouverner (24 pages au format A4), destiné à un groupe de 3 à 5 joueurs, l’autre,
les Guerres d’Italie (12 pages au même format), proposant une adaptation des règles pour deux joueurs… Imprimées sur du papier toilé, les règles s’avèrent elles aussi magnifiques… Mais particulièrement denses, bien que bien écrites. Rien n’ayant été laissé au hasard, elles s’avèrent exhaustives mais de nombreuses informations y sont répétées, alourdissant peut-être inutilement leur lecture. Elles ne s’adressent clairement pas à un public familial mais à des joueurs passionnés… ça tombe bien, c’est justement le public visé par le jeu !
N'allez pas croire qu’il soit préférable de commencer à jouer à deux pour découvrir le jeu et s’épargner, pour un temps, la lecture du livret destiné à plus de joueurs… Car le livret 2 joueurs vient compléter et modifier celui pour 3 et 5 joueurs… Obligeant à lire, digérer et expliquer pas moins de 36 pages de règles ! Un petit conseil, donc : commencez à jouer à trois joueurs, cela nous semble être la configuration idéale pour en découvrir ses rouages…
Et rassurez-vous, une fois lues et digérées, les règles s’avèrent particulièrement cohérentes et s’assimilent, au final, de façon plutôt fluide…
Contenu de la boîte: 1 grand plateau central représentant l'Italie, 1 petit plateau de Prestige et d'Influence, , 60 tuiles (Cité, Titre, Guilde et Cathédrale), 56 cartes Personnage. 10 cartes Indulgence, 8 jetons Cité Interdite, 10 Bonus de Patronage, 60 Florins, 5 pions Cathédrale, 1 carnet de score, 1 livret de règles 3-5 joueurs et, pour chacun des 5 joueurs : 1 plateau Individuel Palais, 3 cartes Famille, 18 jetons Contrôle, 4 meeples Troupes, 5 meeples Agents, 1 marqueur Action, 1 Aide de jeu réversible.
Matériel additionnel pour deux joueurs : 1 petit plateau de Prestige, 13 cartes Famille, 1 livret de règles 2 joueurs

Déroulement d’une partie
Mise en place
Je ne vous cacherais pas que la mise en place de la première partie est un peu fastidieuse, d’autant qu’elle connaît de petites variations en fonction du nombre de joueurs (cités interdites et tuiles retirées du jeu pour conserver la tension quelle que soit la configuration). Mais, une fois comprise sa cohérence et sa raison d’être, elle s’avère bien plus fluide dès la seconde partie…
Petite remarque utile : le jeu n’est pas pratiquable ailleurs que sur une grande table… une table de joueurs quoi

!
Déroulement

Le jeu va se dérouler en années découpées en deux phases : Printemps (phase d’action) et Hiver (phase d’ajustement et de réorganisation).
Le jeu utilise une mécanique de roue d’action. A son tour de jeu, le joueur devra déplacer gratuitement dans le sens des aiguilles d’une montre son marqueur action d’une ou deux cases et aura la possibilité de dépenser florins ou symboles Flèche pour poursuivre son déplacement et réaliser l’action convoitée… Chaque action aura un coût d’activation dont les joueurs s’acquitteront en utilisant différents symboles contenus sur le bas-relief des tuiles ou cartes disponibles (i.e. non retournées) en sa possession avant de les retourner.
Durant la
Phase printemps les joueurs vont réaliser une action parmi les 6 qui apparaissent sur les pièces du palais, les cartes Famille ou Personnage, les tuiles Cités ou Bonus Patronage)
1
Gouverner: dépenser croix et/ou couronne pour retourner sur la face « Ressource Disponible » des tuiles et réactiver les Bonus d’Alliance
2
Patronner: devenir mécène et progresser sur la piste Patronage (et obtenir éventuellement des cartes ou Bonus Patronage parmi ceux restantes)
3
Commercer: collecter 2 florins par bateau utilisé
4
Annexer: prendre le contrôle d’une cité neutre par la diplomatie (pour un coup en couronnes ou bateaux dépendant de la valeur modifiée par l’éventuelle présence d’agents sur la dite cité) et récupérer la Tuile de la cité et poser un Marqueur de Contrôle
5
Guerroyer: déplacer ses troupes et initier des sièges pour tenter de prendre le contrôle de cités neutres ou ennemies.
6
Intriguer: dépenser des masques et placer, déplacer (sur une cité, sur la salle d’un palais ou sur une alliance n’en contenant pas) ou éliminer un agent

A la fin du Printemps, on résoudra tous les sièges en dépensant éventuellement des Bonus de Guerre.
Lors de la
phase Hiver, les joueurs devront entretenir leurs troupes (en dépensant des florins), pourront réorganiser leur palais, acheter cartes ou tuiles, construire une Cathédrale, recruter de nouvelles troupes, conclure ou renverser des alliances ou solliciter des Indulgences et ajuster l’Ordre de Jeu (fonction de nombre de Cité contrôlées).
Fin de partie

La partie s’achève à la fin de la phase Printemps si une des conditions suivantes est remplie : toutes les Cités du plateau sont contrôlées par les joueurs, un joueur est arrivé au bout de la piste Cité (et en contrôle donc 8) ou de la Piste Patronage.
On procède alors à un décompte dans lequel interviennent la position sur la Piste Cité et sur la Piste Patronage, certaines tuiles ou cartes, l’Influence Religieuse (en fonction des majorités de croix possédées), le prestige Militaire (2 point par Trophée obtenu), les Alliances conclues (1 point par Alliance) et les Indulgences (-1 point par Indulgence)
Le joueur totalisant le plus de points de Prestige devient le Maître incontesté de l’Italie…

l’Avis de la Rédaction
Ce
petit bijou de Pascal Ribrault n’est clairement pas un jeu auquel on ne joue qu’une fois avant de le ressortir plusieurs semaines plus tard. Car si, malgré les règles denses et foisonnantes, les
mécanismes s’avèrent
fluides et s’intègrent dans un tout cohérent, il faudra
plus d’une partie pour en apprécier la profondeur et, surtout, en maîtriser, les mille et une subtilités…

Au cours de la
phase de Printemps, chaque joueur ne peut certes faire qu’
une seule action par tour… mais le concept de la roue d’action, quelque peu délaissé ces derniers temps, s’avère d’autant plus machiavélique que dans
Virtù, elle s’avère modulable ! Chaque joueur peut ainsi
développer une roue qui lui est propre avec des actions qui s’enchaînent de façon fluide et optimisée… Car cette roue, reconfigurable au fil des années lors de la phase hivernale, introduit une savoureuse composante de planification qui est le sel même du jeu… Car chercher à réaliser une action sans se préoccuper de celles que l’on souhaite accomplir dans les prochains tours c’est aller vers de cruelles déconvenues… Chaque action a un coût et encore faut-il pouvoir s’en acquitter ! La victoire appartiendra à celui ou celle qui saura au mieux enchaîner les actions et quoi de mieux pour se faire que de les disposer intelligemment sur sa roue…

Mais si la guerre est un outil parfois incontournable pour imposer sa domination, il faut savoir se faire fin politique ou intrigant, soutenir les arts ou s’enrichir… Ces
multiples possibilités de développement, et donc de gain de prestige, peuvent donner le vertige lors des premières parties. Chaque action devra être murement réfléchie afin de frapper ses adversaires au moment le plus approprié alors qu’il se trouve, pour quelques temps au moins, dans l’impossibilité de riposter. L’ombre de Machiavel plane sur chaque choix et chaque décision des joueurs et s’il faut sans cesse
envisager la guerre, il ne faut négliger aucune piste…
Le
setting initial fait que chaque Palais possède sa propre roue d’action, dans un ordre déterminé, et sa propre famille qui oriente subtilement sa stratégie, sans jamais l’enfermer dans un carcan. La phase Hiver permettant de modifier et d’optimiser son palais, le joueur semble réellement maître de son destin… Encore faudra-t-il faire les bons choix au bon moment même si la possibilité de se déplacer de plus d’une ou deux cases en s’acquittant d’un coût en florin ou en symbole flèche augmente considérablement le champ des possibles… et rend chaque choix d’autant plus cornéliens.

Virtù - L'Art de Gouverner nous entraîne avec force au cœur de l’Italie de la Renaissance où le pouvoir est morcelé entre le Royaume de Naples, les Républiques de Venise et de Florence, le Duché de Milan et Rome, la cité pontificale…
Superbement illustré par une poignée d’artistes talentueux et inspirés, le jeu est servi par un matériel élégant et pleinement fonctionnel. Si les règles semblent denses et complexes, c’est que leur rédacteur les a voulues exhaustives. Car, une fois assimilés, les différents rouages du jeu s’assemblent de façon particulièrement cohérente. Pascal Ribrault renouvelle notamment l’intérêt de la roue d’action, mécanisme tombé en désuétude depuis quelques années. En la rendant modulable et évolutive à l’aide de cartes et de tuiles, il en fait un mécanisme subtil et machiavélique dont la maîtrise est gage de victoire…
Virtù - L'Art de Gouverner est clairement un jeu exigeant mais réellement passionnant qui ne cesse de se bonifier au fil des parties… Aussi, plongez sans hésiter dans cette période troublée et exaltante que fut la Renaissance Italienne, convoitée par le roi de France et déchirée en guerre intestine…

On aime...

la beauté du matériel et l’élégance épurée des illustrations

les mécanismes cohérents et fluides

la machiavélique mécanique de la roue d’action modulable

la subtilité des interactions

un jeu riche et exigeant

On n'aime pas...

injouable sur une petite table