Mordu par Camilla von Holbein, la stryge qui a tué son père, Lord John Gravestone est à deux doigts de devenir l’une de ces créatures de la nuit que sa famille s’est acharné à traquer depuis des décennies…
Assisté par le fidèle Tibbett qui a élevé John comme son propre fils, son oncle, Théophile Gravestone, Grand Exorciste de la Très Sainte Eglise de Rome, organise sa fuite vers les terres écossaises de son enfance après avoir fait croire à sa mort et l’avoir enterré dans le caveau familial du cimetière de Cornwood. Le chasseur de vampire sait qu’il n’existe qu’une seule chance d’arracher son neveu aux ténèbres : occire la stryge avant qu’elle ne parachève sa transformation et ne le condamne à la damnation éternelle…
Mais les apparences sont souvent trompeuses et la relation que vont nouer le jeune Lord Gravestone et la ténébreuse Camilla va venir entraver les plans de l’exorciste alors que, pour sauver son jeune maître, Tibbett va montrer son véritable visage…
Depuis la nouvelle de John William Polidori, la figure du vampire n’en finit plus de fasciner lecteurs, romanciers, scénaristes et cinéastes... L’originalité de ce récit gothique de Jérôme Le Gris est de se situer peu après l’écriture du
Vampire de Polidori et des décennies avant celle du
Dracula de Bram Stoker, écrivain britannique qui donna naissance au vampire archétypal que l’on connaît. Et cette époque pré-victorienne s’avère être un formidable écrin pour ce récit où Eros et Thanatos entament un ballet aussi sensuel que mortel sur fond d’amour impossible digne des amants maudits que sont les Roméo et Juliette de Shakespeare ou le Cid et Chimène de Corneille…
Se déroulant dans un cimetière baigné d’une tragique mélancolie, la scène inaugurale de l’album donne d‘emblée le ton en amorçant l’histoire sur les funérailles du jeune Lord Gravestone, sensément mort sur le gibet. Orchestré par son oncle, implacable chasseur de monstre œuvrant pour l’Eglise, la mascarade a trompé les proches du défunt, mais pas sa promise qui, pour avoir voulu voir une dernière fois celui qu’elle aime, sait qu’il ne reposait pas dans le cercueil… Mais le plan échafaudé par Théophile Gravenston ne fera pas long feu et, tout à son désir de se venger de cette famille qui traque ses semblables, Camilla von Holbein aura tôt fait de retrouver sa trace, faisant planer sur son avenir une ombre terriblement menaçante en se faisant passer pour ce qu’elle n’est pas…
La relation complexe et alambiquée qu’entretiendront cet homme aux portes de la mort et cette femme qui les a déjà franchies s’avèrent fascinante, alimentant la dramaturgie de l’histoire de façons saisissante…
Mais si le scénario nerveux et rythmé de Jérôme Le Gris s’avère aussi efficace, le formidable travail de Nicolas Siner n’y est bien évidemment pas étranger… Révélé par son
Horacio d'Alba, du même scénariste, le dessinateur fait montre d’un remarquable sens de la composition qu’il met au service de l’intrigue, distillant avec art cette atmosphère tragiquement gothique qui infuse la série grâce à une mise en couleur envoûtante et un remarquable travail sur la lumière. Evoquant par moment le travail d’Alex Alice sur son
Troisième Testament, ses planches sont somptueuses, porté par une narration fluide parfaitement maîtrisée, des cadrages vertigineux et percutants dans des scènes de combats superbement chorégraphiées, ou, au contraire, délicieusement intimiste, avec ces troublants jeux de regards qui en disent bien plus longs que ces deux êtres qui sentent naître entre eux ce sentiment troublant et irrépressible que l’on nomme « amour ».
Les amateurs de récits gothiques et de créatures de la nuit ne peuvent faire l’impasse sur Lord Gravestone, histoire sombre et tourmentée se déroulant quelques années avant l’amorce du règne de la Reine Victoria.
Associant sa plume avec Nicolas Siner avec qui il avait déjà signé Horacio d'Alba, Jérôme Le Gris, scénariste des Âges Perdus et, plus récemment, de la prometteuse adaptation de Hawkmoon, nous livre un récit fascinant où se mêlent Eros et Thanatos dans un ballet mortel au final incertain…
Héritier d’une lignée de chasseurs de monstres, Lord John Gravestone, entre la vie et la mort, va devenir la proie de Camilla von Holbein, une strige qui a juré sa perte et projette de le faire renaître aux ténèbres… Mais un sentiment puissant va ébranler et faire voler en éclat leurs certitudes…
Un dessin somputueux, un travail sur la lumière remarquable, un sens de la composition confondant font de Lord Gravestone l’une des série les plus envoûtante de ces dernières années en matière de vampires… Un triptyque d’ores et déjà incontournable pour tout amateur du World of Darkness de Mark Rein-Hagen qui influença bon nombre d’auteur de jeux de rôles et modernisa, dans la lignée des romans d’Anne Rice, la figure du Vampire…
Votre âme s’embrase d’une flamme exquise qui nourrit plus qu’elle en consume, qui apaise plus qu’elle ne brûle. Une flamme que même les plus brillants poètes n’ont pu justement retranscrire. Car seuls ceux qui s’y abandonnent peuvent pleinement la ressentir.Camilla von Holbein