Los Angeles, de nos jours. Le quotidien de Webster Fehler est une vallée de larmes. Il envie la liberté des gangs ou des bikers et ne supporte plus d’être le souffre-douleur du cabinet d’avocat alors qu’il se sait être le plus compétent que tous les autres employés… Mais il plie l’échine et subit les brimades et humiliations quotidiennes de ses supérieurs incapables.
Mais un jour, son destin bascule…Suivant une voix qu’il entend dans sa tête, il trouve une sacoche renfermant un carnet, de la drogue, un couteau, un badge de flic et un flingue… Cette trouvaille et la voix qui lui parle allait le forcer à libérer son sombre passager… Ivre de pouvoir, il va pouvoir se laisser aller à ses plus bas instincts… et défoncer ceux qui lui manqueraient de respect…
Au fil des jours, les notions de bien et de mal s’estompent pour disparaître définitivement… Il va retourner la violence qu’il a subi durant des années contre les autres et leur rendre au centuple, mettant la ville à feu à sang et se moquant bien des conséquences…
Pourtant, le temps viendra où il lui faudra payer ses dettes…
Le pitch de l’album n’est pas sans évoquer l’
Enfermé dehors qui voit SDF transfiguré lorsqu’il trouve un uniforme de policier… Mais si, dans le film d’Albert Dupontel, Roland tente d’utiliser cet habit qui fait le flic pour combattre les injustices de notre société, Webster Fehler va utiliser sa plaque et son flingue pour se venger des humiliations qu’il a subi quarante années durant… Mais on songe aussi au fascinant
Chute Libre de Joel Schumacher avec l’inquiétant Michael Douglas, voir même au
Portrait de Dorian Gray d’Osar Wilde par l’impunité dont semble jouir l’antipathique héros… dans un premier temps tout au moins…
La voix du diable qui lui parle et oblige Webster Fehler à libérer une haine et une violence trop longtemps contenue introduit un élément fantastique intrigant, laissant envisager que notre anti-héros n’a d’autres choix que de se laisser aller à ses sombres penchants et à ses condamnables instincts. Mais est-ce seulement le diable qui lui parle ou l’homme, à force de brimades et de refoulements, n’a-t-il pas tout simplement sombré dans la folie, s’inventant des voix pour justifier l’injustifiable et cautionner ses pires exactions…
Au fil des chapitres rythmant l’album, on voit Webster perdre peu à peu pied avec le sens commun et s’abandonner corps et âme à la violence, mettant la ville à feux et à sang, soufflant sur les braises des haines opposant les différentes factions criminelles qui s’en disputent les trafics… Mais l’épilogue montre qu’alors qu’il se pensait à l’abri de toute représailles, un indicible étau se referme peu à peu sur lui… Car en semant les cadavres dans son sillage, il laisse autant de traces qui pourront le conduire jusqu’à lui…
Le dessinateur brésilien Geanes Holland met en musique de façon particulièrement convaincante la partition de Fathi Beddiar, scénariste et historien du cinéma ayant fait ses classes dans les pages du mythique Mad Movies… Dans le premier chapitre, il pose avec talent le personnage de Webster Fehler qui subit les humiliations de tous ceux qui croisent sa route, inconnus comme collègues… On le prendrait presque en pitié si on ne sentait pas qu’il y avait quelque chose d’inquiétant et de profondément malsain en lui… Et, lorsqu’aiguillé par la voix ténébreuse, il va peu à peu se laisser aller à ses sombres penchants, et l’on assiste à une lutte intérieure d’une violence inouïe, avant qu’il ne rende les armes et s’abandonne à elle… L'artiste met en scène la violence de façon hallucinante, usant de cadrages percutants et d’un découpage implacable pour dépeindre le monstre qu’est devenu Webster…
Fathi Beddiar, scénariste et historien du cinéma, associe sa plume au dessinateur brésilien Geanes Holland pour tisser un polar sombre qui nous entraîne à la lisière du fantastique et de la folie…
Nous allons y suivre Webster Fehler, un presque quarantenaire qui subit chaque jour que dieu fait les brimades d’inconnus dont il envie la liberté ou le pouvoir ou de ses collègues aussi cruels qu’incompétents qui ne cessent de le rabaisser et de l’humilier… Mais un jour, poussé par une voix ténébreuse, il trouve une valise contenant de l’argent, de la drogue, un flingue et une plaque de flic… Ivre de pouvoir, aveuglé par la haine le désir de vengeance, il décide, aiguillé par le diable lui-même, de laisser libre cours à ses plus bas instincts et de mettre la ville à feu et à sang…
Le dessin incisif et percutant est au diapason de ce récit sombre et tourmenté qui nous entraîne dans les méandres sombres et tortueux de l’âme humaine à la suite d’un homme qui se dépouille de toute morale pour se hisser au sommet de la chaîne alimentaire…
Cruel, violent, fascinant et déroutant, Le Labeur du Diable amorce un récit dérangeant dont il est bien difficile de savoir où les auteurs vont nous mener…
- Ça ne m’arrive pas… Je n’entends personne… C’est encore une hallucination.
- Quel connard tu es… Dis-moi… A quand remonte la dernière fois où tu as parlé à quelqu’un qui te voulais du bien ? Ne fais pas la connerie de me résister. C’est perdu d’avane. Continue comme ça et je vais devoir être méchant avec toi.
- Tu ne peux pas être méchant avec moi car tu n’existes pas…
- Ah ouais ? Alors j’existe toujours pas ? Tu veux que j’appuie ?
- Non…
-… Sage décision… Accepte-moi… Je ferai de toi un roi. Tu deviendras l’homme que tu aurais pu être depuis longtemps, tu forgeras ta destinée et tu seras ton propre maître.
- …Oui…
- …Bienvenue dans le côté obscur mon garçon…dialogue Webster Fehler et le diable