Chevrotine élève, seule, une tripotée de gamin dont la majeure partie sont les siens… Très à leur écoute, elle ne rechigne pas à partir pêcher en compagnie de son chien volubile lorsque sa marmaille entame une grève de câlins reconductibles, lassés de ne manger que des papillons.
Mais la belle et iconoclaste jeune femme pêche un homme grenouille en lieu et place de poissons… Qu’importe, Chevrotine a de la ressource et une formidable capacité d’adaptation… D’ailleurs, dans « homme grenouille », n’y a-t-il pas homme ?... Et grenouille…
Ce n’est que le début de ses folles aventures où l’on croisera, pêle-mêle, un cosmonaute échoué sur Terre, des tueurs à la gâchette un peu trop facile, des chasseurs de sorcière, un facteur voyageur juché sur une moto volante, un adjoint du shérif alcoolique et son crabe de compagnie, une gamine éternellement jeunes, un chercheur de sens à la vie, un écrivain à quatre sous en manque d’inspiration, une poignée de zombis et divers autres bestiaux tous plus étranges les uns que les autres…
Prépubliée dans les pages de
Fluide Glacial (le fameux magazine fondé par Gotlib, Alexis et par Jacques Diament en 1975 ! Wahou, ça ne nous rajeunit pas tout ça), l’album a conservé le découpage en chapitres, façon récit feuilletonnesque, ce qui induit un rythme de lecture assez savoureux…
Malgré son étrangeté, on s’immerge avec une déconcertante facilité dans le monde onirique, voire franchement surréaliste, concocté par Pierrick Starsky… Il possède sa logique interne et l’on accepte étrangement ses personnages au mieux iconoclastes au pire, totalement barrés, celui de Chevrotine en tête… Car lorsqu’on la croise dans les première cases, on l’imagine douce et sympathique et prenant soin de sa marmaille qu’elle aime d’amour… Et, après sa rencontre avec l’homme grenouille, sa façon très chaleureuse de l’accueillir chez elle, il y a deux trois bricoles qui viennent bousculer ce cadre champêtre et bucolique, telle la case centrale de la page suivante qui ne manquera pas de surprendre le lecteur, brisant d’un seul coup d’un seul l’aspect conte de fée des prémisses de l’histoire… Mais que ne ferait-on pas pour satisfaire ses enfants ?
Malgré les apparences, une fois encore trompeuses, l’album n’est pas qu’une suite de petites scénettes drôles ou grinçantes qui nous donne la furieuse impression de nous balader dans une version un peu trash du Pays des Merveilles d’Alice… à ceci près que notre héroïne maîtrise la situation et l’étrangeté de ce petit monde joyeusement décalé et foutraque… Non, le scénariste a tissé une histoire qui ne manquera pas de surprendre le lecteur à chaque séquence par sa douce et furieuse folie, par ces personnages absurdes qu’il s’amuse à mettre en scène et qui confèrent à l’album cette saveur unique et si particulière… Et l’on appréciera sa façon de boucler la boucle, fut-elle temporelle, apportant une petite touche particulièrement sulfureuse à l’ensemble…
Plein d’élégance et d’inventivité, le dessin de Nicolas Gaignard s’avère être tout juste parfait pour mettre en image ce récit joyeusement barré mais parfaitement maîtrisé de son comparse. Son apparente douceur lui permet de faire passer crème la violence de certaine scène… Le casting de chacun de ses personnages est des plus pertinent tant chacun a l’apparence qui convient le mieux au rôle qu’il occupe dans cette étrange histoire délicieusement alambiquée. Je suis pour ma part vraiment tombé sous le charme du dessin, de son encrage subtil à l’usage parcimonieux et délicat de la couleur… L’album est truffé de clins d’œils qui rendent la lecture plus ludique encore, du gadgetocoptère en passant par le Monolithe de 2001
l’Odyssée de l’espace ou
le Manifeste des 343 Salopes qui se glisse, mine de rien, dans une case…
Disponible en album après avoir été prépublié dans les pages de Fluide Glacial, cet album scénarisé par Pierrick Starsky et mis en image par le trait élégant et poétique de Nicolas Gaignard est indubitablement un véritable O.V.N.I.
Le récit baroque et onirique se déroule dans un univers décalé à la Lewis Caroll, mettant en scène une jeune femme qui s’occupe de sa marmaille, ramène une fois par an sa tante de 8 ans à la vie, assiste un cosmonaute désirant rentrer chez lui, met en déroute des cowboys mafieux et côtoie un adjoint shérif alcoolique et son crabe fumeur et bavard qui le ronge joyeusement et se balade en compagnie d’un sympathique chien qui parle et se moque gentiment du facteur.
J’avoue avoir pris un réel plaisir à découvrir cette héroïne iconoclaste et son univers loufoque et décalé mais néanmoins parfaitement maîtrisé. Un album mordant follement inventif et rafraîchissant à découvrir d’urgence avant la fin du monde…
- Ouaf. Ouaf.
- t’es con quand tu t’y mets.
- Je peux avoir un os ?
- Mmmh… Arrête d’aboyer sur les visiteurs. Et de les mordre.
- ça va… Si on peut plus rigoler.dialogue entre Chevrotine et son chien